Au large d’une vaste zone allant du Finistère au Pays Basque, l’arrêt concerne les bateaux, français ou étrangers, de plus de huit mètres et certaines techniques de pêche jusqu’au 20 février.
A la criée de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), où sont vendus chaque jour entre 1.800 kilos et 5 tonnes de poissons selon les arrivages, les dernières pêches du week-end ont été écoulées.
« Demain ce sera plus calme, on aura 90% du tonnage en moins », explique Julien Micheo, mareyeur, qui a prévu de fermer un mois.
A La Rochelle plus au nord, le port, survolé par des mouettes, était désert lundi, et les filets rangés dans des caisses à quai.
Cette « fermeture spatio-temporelle » doit se répéter pendant les hivers 2025 et 2026 au nom de la protection des dauphins. Elle a été décrétée après que le Conseil d’Etat, saisi par des associations environnementales, a demandé au gouvernement d’agir pour réduire les décès de petits cétacés pris accidentellement dans les filets.
Le Ciem, l’organisme scientifique international de référence, estime à environ 9.000 le nombre de dauphins communs morts chaque année par capture accidentelle sur la façade atlantique française, pour un niveau soutenable de 4.900 décès au maximum.
Il recommande des fermetures de trois mois en hiver et d’au moins un mois en été, périodes de pics de mortalité des dauphins.
– « Vacances forcées » –
Serge Larzabal, président du comité interdépartemental des pêches des Landes et Pyrénées-Atlantiques, juge néanmoins l’interdiction prononcée « en totale disproportion par rapport au peu de danger sur le stock de mammifères marins ».
Il regrette aussi l’abandon des dérogations initialement prévues pour les navires équipés de caméras ou moyens de dissuasion, que le Conseil d’État a jugées fin décembre « trop importantes pour que la fermeture de la pêche ait un effet suffisant sur les captures accidentelles ».
Sea Shepherd France, elle, déplore « un mur de déni et une diabolisation des ONGs, savamment orchestré par les Comités des Pêches pour empêcher tout dialogue constructif et détourner l’attention de leurs propres manquements et mensonges ».
Selon l’association, « il faudra des mesures qui s’étendent bien plus dans le temps » pour aboutir à une baisse significative des captures.
Au total, 450 bateaux français devraient rester à quai.
A la criée de la petite ville portuaire basque, le mareyeur André Gloaguen s’inquiète pour ses clients, essentiellement des poissonneries, qui « ont des salaires à verser, des charges à payer. « Je ne sais pas comment ils vont faire », dit-il, lui qui prendra des « vacances forcées sans salaire ».
Franck Lalande, vice-président du Comité régional des pêches de Nouvelle-Aquitaine et armateur de deux bateaux à Arcachon (Gironde) redoute « de la casse », car « un bateau à quai, c’est entre 250.000 et 300.000 euros de perte de chiffre d’affaires pendant un mois ».
– Inflation probable –
Pour compenser, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a promis vendredi des indemnisations variant « entre 80 et 85% du chiffre d’affaires pour tous les bateaux » concernés par l’interdiction.
Il a promis également d’accompagner le reste de la filière avec notamment une aide aux mareyeurs qui ira « jusqu’à 75% de leurs pertes ».
« Cette fermeture (…) va se traduire par 8.000 tonnes de produits de la mer en moins et représenter une perte de 60 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le mareyage », déjà fragilisé par le Brexit, a prévenu Frédéric Toulliou, président de l’Union du mareyage français (UMF) et de l’association interprofessionnelle France Filière Pêche.
Maëlise Mouhu, poissonnière à La Rochelle, prévoit une inflation pour le consommateur final. « Quand 450 bateaux s’arrêtent en France, ça a forcément un impact. Il y aura moins d’apport donc du poisson plus cher », prévient-elle.
« On est aujourd’hui à 80% de poisson importé dans l’assiette des Français. Est-ce qu’on veut passer sous les 20% d’apport, pour importer plus de poissons capturés dans des conditions indignes à l’autre bout du monde? », met en garde le président du comité national des pêches, Olivier Le Nézet.
« On veut garder une filière de pêche française, et la concilier avec des impératifs de préservation de la biodiversité », a promis vendredi M. Béchu.