Sans attaquer les chapitres les plus délicats, dont surtout la pêche, Reykjavik a fait des progrès dans ses négociations avec Bruxelles.
Mais les deux grandes formations d’opposition, en tête dans les sondages, ont fait campagne pour y mettre un terme: le Parti de l’indépendance (conservateur) et le Parti du progrès (centriste et agrarien).
Le Parti de l’indépendance souligne dans son programme qu’il veut de bonnes relations commerciales avec l’Europe « sans rejoindre l’Union », ce qui a toujours été sa ligne. Le Parti du progrès estime que les intérêts de l’Islande « sont mieux servis en dehors de l’Union européenne ».
Avec ces eurosceptiques, les électeurs devraient donc éloigner l’île de la perspective de devenir le 29e membre de l’UE, après la Croatie dont l’adhésion est prévue en juillet prochain.
« Je crois que l’Islande ne va pas rejoindre l’Union européenne », affirme à l’AFP Hannes Holmsteinn Gissurarson, professeur de science politique à l’université d’Islande.
« Il y a maintenant une majorité (…) qui est contre dans les sondages. Le seul parti pour, ce sont les sociaux-démocrates, et ils semblent promis à une défaite cuisante », ajoute-t-il.
M. Gissurarson, libéral qui fut un grand idéologue du Parti de l’indépendance, est critique face à la façon dont cette candidature a été imposée, selon lui, à une opinion peu enthousiaste.
Aujourd’hui, les Islandais voient mal ce qu’ils ont à gagner d’une adhésion, alors que leur pays dispose d’un traité commercial avec l’UE, qu’il est membre de l’Association européenne de libre échange (AELE) et qu’il fait partie de l’espace Schengen. Ils craignent d’abandonner à Bruxelles une souveraineté durement gagnée.
La candidature doit beaucoup à l’effondrement du secteur financier à l’automne 2008, et à l’idée que l’adoption de l’euro pourrait être un élément de stabilité.
Pour que le Parlement donne son accord à une candidature à l’UE en juillet 2009, sous l’impulsion de la chef de gouvernement social-démocrate Johanna Sigurdardottir, il a fallu « une coalition inhabituelle et des circonstances inhabituelles », estime Adalsteinn Leifsson, professeur assistant d’économie internationale à l’école de commerce de l’université de Reykjavik.
Mme Sigurdardottir faisait de l’UE l’un des principaux axes de sa politique de sortie de crise. Elle avait pour objectif de conclure ces négociations en 2012, avant d’organiser un referendum. Il s’est révélé trop ambitieux.
Le parlementaire européen roumain Cristian Dan Preda, rapporteur d’un point d’étape sur les négociations d’adhésion, le relevait récemment. « Ceux qui craignaient il y a trois ans que l’Islande éviterait de faire la queue et adhérerait à l’UE avant la Croatie ont eu tort », écrivait-il en février.
La Croatie adhérera le 1er juillet, dix ans après avoir lancé sa candidature.
L’Islande pourrait plutôt suivre l’exemple de la Norvège et de la Suisse, qui ont aussi commencé à négocier une adhésion avant de jeter l’éponge. Des Etats membres s’inquiétaient de cette éventualité dès 2010.
Pour M. Leifsson, le plus grand obstacle reste d’ailleurs à surmonter: trouver un accord satisfaisant sur la pêche. « La pêche est un secteur durable pour l’Islande. L’opinion ne voit pas la logique qu’il y aurait à changer une politique qui a réussi ».
L’Islande a pêché 1,15 million de tonnes de poisson en 2011, l’équivalent de plus d’un cinquième des prises des 27 pays de l’UE. Elle est d’ailleurs engagée avec les 27 dans une « guerre du maquereau », Bruxelles l’accusant de trop pêcher de cette espèce.