La Caspienne, plateforme de tir et réservoir de force de la marine russe

Paris, 2 mai 2022 (AFP) – La mer Caspienne, bien que fermée et loin du théâtre ukrainien, constitue un atout stratégique et logistique pour la marine russe, servant à la fois de plateforme de tir de missiles et de réservoir de force.

Forte d’une vingtaine de bâtiments plutôt petits, elle compte quelques frégates, corvettes, patrouilleurs, et autres bâtiments côtiers. Mais elle est surtout utile pour sa capacité de frappe lointaine par missiles balistiques.

« Ce n’est pas énorme en termes de flotte de combat, mais ils font des missions d’appui feu », explique Igor Delanoë, directeur adjoint de l’observatoire franco-russe et spécialiste de la marine russe.

Depuis 2015 et l’intervention russe en Syrie, cette mer sert à tirer « des missiles hypervéloces à très grande distance, c’est un changement stratégique majeur », analyse le capitaine de vaisseau Eric Lavault, porte-parole de la Marine française.

« Il y a quelques années encore, la mer Caspienne était une espèce de mare aux canards sans grand intérêt géostratégique, elle en a maintenant », ajoute-t-il.

En outre, la flotte de la Caspienne peut offrir une réserve de bâtiments pouvant être acheminés jusqu’en mer Noire par le système des 5 mers, le réseau de canaux mis en place à l’époque soviétique.

« La mer Caspienne se trouve 1.000 kilomètres plus à l’est de la mer d’Azov (au nord-est de la mer Noire, ndlr). A l’époque communiste, les Russes ont organisé un système de canaux qu’on appelle le système des 5 mers qui font correspondre au Nord, la mer Blanche qui donne sur l’océan glacial arctique, au Nord-Ouest la Baltique, à l’Est la Caspienne, et au Sud la mer Noire, par la mer d’Azov qui articule tout le système » explique Martin Motte, spécialiste de stratégie navale, professeur à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, dans le podcast Echo du Centre d’études supérieures de la marine (CESM).

« Certains bâtiments sont dessinés pour pouvoir être convoyés par ces canaux, parmi les plus petits, les patrouilleurs côtiers, certaines corvettes. Vous ne pouvez pas convoyer les plus gros bâtiments, comme des croiseurs ou des frégates », explique Michael Petersen, le directeur de l’Institut d’étude de la marine russe au Naval War college américain.

Il est ainsi impossible de ramener par ce système un bâtiment équivalent au croiseur Moskva qui a été coulé mi-avril, selon Kiev, par les Ukrainiens et qui faisait office de navire amiral de la flotte de la mer Noire, offrant une large couverture anti-aérienne aux bâtiments russes.

Mais, analyse M. Delanoë, « si les Turcs ouvrent les détroits (du Bosphore et des Dardanelles qu’ils ont fermés depuis le début de la guerre en vertu de la convention de Montreux, ndlr), et qu’on voit arriver des croiseurs américains, des frégates britanniques, à ce moment là, les Russes seront capables d’envoyer des navires lance-missiles qui pourront se cacher en mer d’Azov, à l’abri derrière les terres, et être en mesure de frapper ».

De même, anticipe-t-il, si la position de la Turquie évolue et qu’elle décide de peser sur son allié, l’Azerbaïdjan, « pour réactiver à travers Bakou un conflit dans le Haut-Karabakh avec l’Arménie, dans l’environnement proche de la Russie, on peut imaginer que Moscou mobilise la flotte de la Caspienne pour faire de la +diplomatie de la canonnière+ pour signifier aux Azerbaïdjanais qu’ils seraient bien inspirés de ne pas trop jouer le jeu de la Turquie ».

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