Maersk, numéro un mondial, a révélé avoir été informé dans la journée du refus du ministère chinois du Commerce.
« Par conséquent les partenaires sont convenus de mettre fin aux travaux préparatoires de l’alliance et le projet P3 Network tel qu’initialement prévu ne se matérialisera pas », a indiqué l’entreprise dans un communiqué.
Les trois armateurs avaient annoncé en juin 2013 la création de cette alliance « opérationnelle et non commerciale ». Ils devaient mettre en commun leurs capacités tout en restant concurrents, à l’instar des compagnies aériennes.
Le réseau P3, dont le lancement était prévu cette année, devait regrouper dans un premier temps 255 navires sur 29 lignes entre l’Asie, l’Europe et l’Amérique. Le but était d’offrir des départs plus fréquents depuis plus de ports avec des bateaux plus chargés, dans un contexte de surcapacité pour le secteur.
Si les trois armateurs avaient insisté pour dire que ce genre d’alliance ne nuisait pas à la concurrence, des analystes du secteur leur prédisaient des difficultés à la faire accepter aux autorités concernées, sachant qu’à eux trois ils dominent le marché mondial.
En mars, l’autorité américaine compétente, la Commission maritime fédérale (FMC), avait donné son feu vert. Puis la Commission européenne l’avait fait début juin. Mais Pékin a fini par dire non.
Cette alliance allait provoquer « une hausse considérable de la concentration du marché », a expliqué le ministère chinois dans un communiqué. Elle aurait eu « une incidence importante sur le secteur mondial du transport de conteneur et générerait un haut niveau d’inquiétude ».
C’est seulement la deuxième fois que la Chine s’oppose à une fusion ou une alliance. La première fois, en 2009, elle avait bloqué le rachat d’une société chinoise, les jus de fruits Huiyuan, par l’Américain Coca-Cola.
« La décision nous surprend, bien entendu, car les partenaires avaient travaillé dur pour répondre à toutes les inquiétudes des régulateurs », a déclaré le directeur général de Maersk Line, Nils Andersen.
« Bien sûr, c’est une déception. P3 aurait offert à Maersk Line un réseau plus efficace et à nos clients un meilleur produit », a ajouté le directeur commercial, Vincent Clerc.
D’après Maersk, la décision sera sans conséquence pour les résultats du groupe AP Maersk-Moeller.
CMA CGM s’est montré plus circonspect, disant avoir « pris note » de la décision, et être « convaincu qu’il maintiendra[it] ses performances opérationnelles et continuera[it] à en réaliser de meilleures que le reste du secteur ».
MSC n’avait pas réagi en milieu d’après-midi.
Les transporteurs de conteneurs, qui n’avaient pas vu venir la chute du commerce international provoquée par la crise financière de 2008, doivent aujourd’hui rentabiliser leurs navires avec des prix désespérément bas sur le marché.
Maersk a cependant réussi au premier trimestre à être plus rentable en abaissant ses coûts, et a dit mardi que la rationalisation de son offre se poursuivrait, même sans alliance.
« Maersk est celui qui souffre le moins de ce revers parce qu’il a les marges les plus élevées. Les deux autres avaient beaucoup à gagner », a estimé Tobias Sittig, analyste de la banque allemande MainFirst Bank.
Il disait ne pas comprendre les raisons du refus chinois. « On ne peut que spéculer. L’avantage pour la Chine aurait été d’expédier ses exportations plus efficacement, sachant qu’ils ont un secteur maritime qui n’est pas très rentable », a-t-il souligné.
Mario Mariniello, économiste à l’institut Bruegel de Bruxelles, soulignait la différence avec l’Europe, où les règles de la concurrence sont conçues pour protéger les consommateurs. « En Chine, l’incidence sur les concurrents nationaux est un facteur, donc la loi en soi laisse une place plus importante pour l’interprétation », expliquait-il.
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A.P. MOELLER-MAERSK