« Si quiconque osait séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise n’hésiterait pas un instant à déclencher une guerre, quel qu’en soit le prix », a dit un porte-parole du ministère chinois de la Défense, Wu Qian, en rapportant des propos du ministre, Wei Fenghe, tenus lors d’une rencontre avec le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin.
Selon le ministère chinois de la Défense, Pékin – qui considère l’île comme partie intégrante de son territoire – « briserait en mille morceaux » toute tentative d’indépendance.
De son côté, Lloyd Austin a dit à Wei Fenghe que Pékin devait « s’abstenir » de toute nouvelle action déstabilisatrice dans cette région, selon le Pentagone.
Il a « réaffirmé l’importance de la paix et de la stabilité dans le Détroit (de Taiwan), une opposition à des modifications unilatérales du statu quo et a appelé (la Chine) à s’abstenir de toute nouvelle action déstabilisante envers Taiwan », selon la même source.
Les deux responsables, qui se sont entretenus au téléphone en avril, se rencontraient pour la première fois depuis la prise de fonction de M. Austin, en marge du forum de sécurité « Dialogue de Shangri-la », organisé jusqu’à dimanche à Singapour, pour la première fois depuis 2019, en raison de la pandémie.
– Pression –
Les points de discorde se sont multipliés ces dernières années entre les deux pays : mer de Chine méridionale, influence croissante de la Chine en Asie-Pacifique, guerre en Ukraine ou encore Taïwan.
La Chine estime que cette île de 24 millions d’habitants est l’une de ses provinces historiques, même si elle ne la contrôle pas, et a accru la pression contre Taipei ces dernières années, menant par exemple des campagnes d’incursions dans la zone de défense aérienne de Taïwan.
Le 30 mai, la Chine a ainsi procédé à sa deuxième plus grande incursion de l’année, avec l’entrée, selon Taipei, de 30 avions dans la zone d’identification de défense aérienne (Adiz, selon son acronyme en anglais) de l’île, dont 20 chasseurs. Le 23 janvier, 39 avions avaient pénétré dans l’Adiz.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait vu dans ces incursions le signe « d’une rhétorique et d’une activité de plus en plus provocantes » de la part de Pékin.
Lors d’une visite au Japon en mai, le président Joe Biden a semblé rompre avec des décennies de politique américaine lorsqu’en réponse à une question, il a indiqué que Washington pourrait défendre militairement Taïwan en cas d’invasion par Pékin.
La Maison Blanche a depuis insisté sur le fait que « l’ambiguïté stratégique », le concept volontairement flou qui gouverne la politique taïwanaise de Washington depuis des décennies, restait inchangée.
– Eaux troubles –
Les deux puissances s’opposent aussi au sujet de l’invasion russe en Ukraine, Washington accusant Pékin de soutien tacite à Moscou.
La Chine a appelé à des discussions pour mettre fin à la guerre mais n’a pas condamné la Russie et a plusieurs fois critiqué la fourniture d’armement américain à l’Ukraine.
Lors de leur conversation téléphonique en avril, le ministre de la Défense chinois avait demandé à son homologue américain de ne pas « calomnier, piéger, menacer ou faire pression sur la Chine ».
La mer de Chine méridionale constitue une autre source de tensions.
La Chine revendique la quasi-totalité de la voie navigable par laquelle transitent chaque année des milliers de milliards de dollars d’échanges commerciaux. La zone est également revendiquée par Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam.
Pékin ignore la décision d’un tribunal international en 2016, qui a jugé sans fondement ses prétentions historiques.
Lors d’une réunion avec les ministres de la Défense d’Asie du sud-est, Lloyd Austin a évoqué la stratégie américaine « de maintenir un environnement sécuritaire régional ouvert, inclusif et fondé sur la loi », selon un communiqué du gouvernement de Singapour.
Ses commentaires étaient une référence voilée à l’attitude de la Chine qui cherche de plus en plus à s’affirmer dans la région.