L’Arctique se réchauffe deux à quatre fois plus vite que le reste de la planète, affectant ses glaciers, ses forêts et ses sols gelés riches en carbone qui risquent de subir des changements irréversibles, à l’origine de potentielles répercussions en cascade sur l’ensemble de la planète.
Le territoire de la Russie couvre près de la moitié de la masse continentale de l’Arctique. Et le déficit de coopération, depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, a fait perdre une quantité de données considérables aux chercheurs, explique Efren Lopez-Blanco de l’université d’Aarhus, qui a dirigé une étude sur le sujet publiée lundi dans Nature Climate Change.
« L’un des problèmes immédiats qui se posent si l’on néglige la forêt boréale russe est que l’on sous-estime la biomasse et le carbone du sol », a déclaré M. Lopez-Blanco à l’AFP.
« Cela peut avoir des conséquences mondiales sur des processus importants tels que le dégel du pergélisol, les changements dans la biodiversité ou même les émissions de gaz à effet de serre. »
L’étude a examiné la qualité de production des données d’une soixantaine de stations de recherche du vaste réseau INTERACT, en se focalisant sur huit facteurs, dont la température de l’air, les précipitations, l’épaisseur de la neige, la biomasse végétale et le carbone du sol.
Ses conclusions montrent que le réseau présentait déjà des lacunes avant le conflit en Ukraine, les stations étant concentrées dans les régions chaudes et humides, tandis que d’autres secteurs étaient sous-couverts.
La Russie comptant 17 des 60 stations d’INTERACT, le gel de la coopération avec Moscou a donc accentué le problème, en particulier pour la connaissance de l’immense taïga de Sibérie.
Depuis le début de la guerre, des projets ont été retardés ou annulés, tandis que le forum régional du Conseil de l’Arctique, longtemps considéré comme un modèle de coopération, est désormais polarisé entre l’Ouest (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède et États-Unis) et la Russie.
Un autre réseau, baptisé CALM, travaille avec environ 80 sites russes, dont 55 partagent habituellement des données chaque année, selon Dmitry Streletskiy, chercheur à l’université George Washington, qui n’a pas participé à l’étude. Mais selon ce spécialiste du pergélisol, seuls 37 d’entre eux ont fourni des données pour 2023, bien qu’un rattrapage prochain ne soit pas exclu.
Une solution consisterait, selon lui, à partager les principales données climatiques de la même manière que celles météorologiques, via un système sous l’égide des Nations unies.