Ils étaient plusieurs centaines à Rennes mercredi, dans un épais nuage de lacrymogènes et sous les jets puissants des canons à eau pour dénoncer « les réglementations et la persécution de la direction des affaires maritimes », mais aussi le prix du gazole et le « désengagement » de l’Etat. La confrontation, musclée, a duré plusieurs heures.
« On voudrait nous rendre enragés qu’on ne ferait pas mieux », résume le comité national des pêches dans une lettre ouverte adressée au président Macron que l’AFP a pu consulter.
La souveraineté alimentaire, tout le monde en parle, mais quand il s’agit de la concrétiser, il n’y a plus personne », enrage le président du comité Olivier Le Nézet dans ce courrier.
Il évoque des « agressions » devenues « intolérables » parce qu’elles « remettent en cause le fondement de notre métier, nourrir les Français et les Européens », alors que la flotte française a diminué de plus d’un quart en 20 ans et que la pêche nationale ne représente que 25% du poisson vendu sur les étals.
En toile de fond, un secteur durement affecté par la crise du Covid puis par le Brexit, qui a abouti à l’envoi à la casse de 90 navires, et plus récemment par le « plan d’action » de la Commission européenne visant à éliminer d’ici 2030 la pêche de fond (chaluts, dragues…) dans les aires marines protégées.
Lundi, une décision du Conseil d’Etat a mis le feu aux poudres: la plus haute juridiction administrative française, saisie par des associations de défense de l’environnement, a donné six mois au gouvernement pour fermer certaines zones de pêche dans l’Atlantique afin de préserver les dauphins dont les échouages se sont multipliés dans le golfe de Gascogne.
– « Double peine » –
« Depuis cinq ans, nos pêcheurs sont à l’initiative de programmes scientifiques et techniques pour déterminer des solutions d’évitement (sonars répulsifs, filets spéciaux pour éloigner les cétacés, NDLR), pour concilier activités de pêche et protection des dauphins (…). Le Conseil d’Etat vient de tout remettre en cause », affirme Olivier Le Nezet.
Interrogé par l’AFP, M. Le Nezet a « évidemment condamné » les débordements violents à Rennes – un tracteur a été lancé en direction des forces de l’ordre – tout en soulignant la « détresse de toute une profession ».
« Près de la moitié des 560 fileyeurs du golfe de Gascogne participent au plan d’action pour les dauphins. Ils cherchent des solutions avec des scientifiques. Cette décision du Conseil d’Etat, c’est une double peine », dit-il, estimant que c’est précisément la « bonne gestion » de la ressource halieutique dans le golfe de Gascogne qui attire les cétacés et explique au moins en partie l’augmentation des échouages.
« 75% des ressources sont gérées durablement en Europe, il faut faire plus. Mais on ne peut pas demander du jour au lendemain à un chalutier de se transformer en fileyeur », tempête-t-il, évoquant le projet européen d’interdiction du chalut de fond dans les aires marines protégées (AMP).
Lors du Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron avait assuré les pêcheurs de son soutien sur ce dossier, alors que la filière est confrontée à la coûteuse décarbonation de sa flotte et fait face à une crise des recrutements.
Le comité des pêches estime que la seule interdiction des chaluts de fond reviendrait à « faire disparaître un tiers de la flotte », car les AMP représentent actuellement 12% des eaux européennes, mais jusqu’à « 74% des eaux en Bretagne ».
Dans la Manche, où plusieurs aires ont des fonds sablonneux, le comité demande « comment expliquer à un chalutier qu’il ne pourra plus passer » pour ne pas abîmer les fonds, alors qu' »au moindre coup de tabac, des millions de mètres cube de sable sont déplacés? »
« On doit faire du cas par cas, examiner les particularités de chaque zone », plaide Olivier Le Nézet. Au président, il demande « une pause dans cette avalanche de mauvais coups ».
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