« La pêche au filet dérivant détruit les habitats marins, met en danger la faune marine et menace les activités de pêche durable. Pour mettre fin à cela une bonne fois pour toutes, nous avons besoin de règles claires, qui ne laissent aucune marge d’interprétation », a affirmé la commissaire à la Pêche, Maria Damanaki.
Le projet de la Commission est d’imposer à compter du 1er janvier 2015 « une interdiction totale de détenir à bord ou d’utiliser tout type de filet dérivant ».
Se prévalant d’un soutien « de la majorité des pêcheurs » de l’UE, et de l’Italie, à cette mesure, Mme Damanaki espère la faire avaliser par les gouvernements et le Parlement européen sous la présidence de l’Italie, au deuxième semestre 2014.
La Commission entend aussi introduire une définition plus détaillée de cet engin combinant plusieurs filets maillant positionnés à la surface ou à proximité, et qui peut atteindre plusieurs kilomètres de longueur.
Selon la commissaire grecque, devenue une passionaria de la pêche durable, cet engin fonctionne comme un « mur vertical », piégeant, sans sélectivité, toute la faune marine de la zone où il est déployé.
La Commission justifie son approche abolitionniste, adoptée selon elle par les Etats-Unis et l’Australie, au vu des « lacunes » du régime en vigueur, qui interdit depuis 1992 tous les filets de plus de 2,5 km de long et depuis 2002 l’usage de ces engins pour pêcher une série d’espèces vulnérables, notamment thons rouges et espadons.
Mais les petits filets dérivants étant encore autorisés pour capturer notamment sardines ou anchois, il est facile pour les pêcheurs de contourner la loi et il s’avère très difficile pour les Etats d’imposer des contrôles efficaces, affirme ainsi le projet de règlement de l’exécutif bruxellois.
L’impact économique jugé limité
Selon la Commission, de 800 à 3.000 navires de pêches de l’UE pratiquent cette pêche saisonnière, hors Mer baltique ou l’interdiction totale est déjà en vigueur depuis 2008.
La France, déboutée en 2009 par la justice européenne d’une demande de levée de l’interdiction partielle, et l’Italie, condamnée la même année pour contrôle insuffisant de son application sont concernées, ainsi que le Portugal, la Slovénie et le Royaume-Uni ainsi que la Bulgarie et la Roumanie pour la Mer noire.
La Commission juge limitées les retombées économiques au niveau des pays, et « négligeable » à cette échelle les retombées sur l’emploi. Ses calculs ne reposent toutefois que sur l’estimation des activités légales et non sur les gains, réels, des pratiques illégales qu’elle veut proscrire.
Selon la Commission, les pêcheurs visés pourront bénéficier pour changer leur engins de pêche de subventions jusqu’à 85% des coûts, dans le cadre de la nouvelle politique commune de la pêche.
Mme Damanaki va demander la semaine prochaine aux pays tiers de la rive sud de la Méditerranée de renoncer également à cette méthode de pêche.
La proposition a reçu un accueil mitigé parmi les défenseurs de l’environnement. Si la fondation américaine Pew y a vu un moyen de mettre fin au braconnage en mer, notamment du thon rouge, Oceana a jugé l’approche « erronée ».
« Le risque est de pénaliser des milliers de pêcheurs artisanaux (…) plutôt que de sanctionner les quelques navires pratiquant une pêche illégale », a jugé l’ONG dans un communiqué.