La communauté internationale au chevet de la biodiversité

Paris, 11 mars 2022 (AFP) – Réduire les pollutions plastique et agricole, préserver et restaurer les espaces sauvages et vivre à terme « en harmonie avec la nature » : après deux ans de pause forcée, des négociations internationales reprennent lundi à Genève pour préserver la biodiversité.

La convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations Unies, qui réunit plus de 190 pays, doit adopter cette année un cadre mondial pour mieux protéger la nature et les services qu’elle rend aux humains – eau potable, air pur, nourriture… – d’ici 2050, avec une étape à 2030.

La crise climatique éclipse parfois l’urgence à sauvegarder la nature, mais la situation est là aussi catastrophique. En 2019, un rapport des experts biodiversité de l’ONU, l’IPBES, révélait qu’un million d’espèces pourrait disparaître lors des prochaines décennies.

« On connaît à peu près 10% des espèces qui existent sur Terre. Certaines disparaissent sans même avoir été décrites, ni jamais vues par aucun être humain », alerte Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES, dans un entretien à l’AFP.

L’agriculture intensive épuise les sols, les océans sont surpêchés, les plastiques et autres polluants se répandent et menacent notre santé et le changement climatique modifie les écosystèmes.

Le cadre mondial négocié à la CDB veut inverser la tendance, après l’échec des États à tenir leurs précédents engagements. Les négociations avaient débuté à Rome en février 2020, mais ont été stoppées net par l’épidémie de Covid-19.

La session intermédiaire qui se tiendra à Genève du 14 au 29 mars sera « la première en personne depuis longtemps » et la dernière avant la « conférence des parties » numéro 15, ou COP15, qui doit clore les négociations, relève Li Shuo de Greenpeace.

« C’est un redémarrage », insiste Aleksandar Rankovic, chercheur à Sciences Po à Paris. Après plusieurs sessions en ligne, les délégations vont entrer dans le dur et discuter pied à pied l’ébauche de texte présentée en juillet 2021.

Ce document comprend une vingtaine d’objectifs à 2030, dont la protection d’au moins 30% des surfaces terrestres et maritimes du globe, la réduction des engrais et pesticides rejetés dans l’environnement, la baisse d’au moins 500 milliards de dollars par an des subventions néfastes à la nature, ou encore la transposition de ces objectifs à l’échelle nationale avec un suivi des progrès accomplis.

– Agenda chargé –

Plusieurs points seront à surveiller de près à Genève, indique Sébastien Treyer, directeur général du think tank IDDRI : « le niveau d’ambition » du texte qui en sortira, « les mécanismes de revue » qui permettront de s’assurer que les mesures adoptées soient bien déclinées par les gouvernements et « la mobilisation des ressources financières, que les pays du Sud identifient comme un enjeu important ».

Pour Guido Broekhoven, de WWF, le texte « n’est pas suffisamment ambitieux et exhaustif pour résoudre la crise actuelle de la biodiversité », un avis partagé par d’autres ONG.

Genève pourrait être l’occasion de « muscler » ce document pour répondre « aux crises interconnectées de la biodiversité et du climat, qui ne peuvent pas être résolues séparément », espère The Nature Conservancy.

Des pays réunis au sein d’une Coalition pour une haute ambition poussent pour que la protection de 30% de la planète d’ici 2030 soit bien dans le texte final.

Pour Juliette Landry, chercheuse à l’IDDRI, « il faut aller au delà de cette cible, la plus médiatique ». « Si on ne s’attaque pas aux causes indirectes (de perte de biodiversité), notamment la production et la consommation, il y aura toujours une forte érosion », analyse-t-elle.

Le nombre de participants sera restreint, Covid-19 oblige. L’invasion russe en Ukraine pèsera-t-elle sur les discussions ? Les avis sont partagés.

Ce qui est sûr en revanche est que l’agenda s’annonce chargé. Les deux semaines et demie vont être « remplies comme une boîte d’allumettes », relève Aleksandar Rankovic.

« Serons-nous en mesure de tout régler ? C’est la grande question », indique à l’AFP Basile van Havre, un des deux coprésidents des négociations.

Le résultat des discussions sera « le point de départ » des négociations finales à la COP15, commente Liu Shuo de Greenpeace. Une COP initialement prévue en Chine en octobre 2020, mais qui après plusieurs reports pourrait se dérouler fin août à Kunming.

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