« Une fake news, ça se diffuse beaucoup plus vite qu’une vérité. C’est ça qu’on a voulu démystifier », a déclaré à l’AFP Fabrice Pernet, chercheur en écologie des organismes marins à l’Ifremer, principal auteur de l’article publié dans la revue Reviews in Aquaculture.
M. Pernet s’est intéressé à la question au cours de ses interactions avec la filière conchylicole. « J’avais beaucoup de questions quant au fait d’accorder des crédits carbone à la conchyliculture » pour son rôle supposé de séquestration du CO2, « et je ne comprenais pas qu’on me pose la question », explique-t-il. « J’ai toujours appris à l’école que les seuls puits de CO2 vivants, c’étaient les plantes, les végétaux. »
Mais l’idée s’est répandue que les coquillages séquestraient du CO2, un peu comme le bois des arbres, car la coquille des huîtres, moules et autres palourdes est constituée de carbone.
Une étude chinoise, publiée en 2011 dans une revue d’écologie marine, et citée plus de 200 fois depuis, a propagé cette idée. Depuis lors, 28 articles scientifiques, sur les 51 examinés par M. Pernet et ses coauteurs, ont repris ce raisonnement.
En avril 2022, le Conseil consultatif de l’aquaculture a même recommandé à la Commission européenne d’étudier un mécanisme de paiement de crédits carbone pour la séquestration de CO2 par les coquilles.
« C’est totalement faux, ce n’est absolument pas du CO2 qui est utilisé » pour fabriquer les coquilles, mais du bicarbonate provenant de l’érosion des roches, souligne le chercheur.
Loin de stocker du CO2, la calcification, à l’origine de la fabrication de la coquille, en libère dans l’eau et réduit ainsi la capacité de l’océan à absorber celui qui est présent dans l’atmosphère.
L’étude souligne néanmoins que la conchyliculture rend de nombreux services écologiques (clarification de l’eau de mer, régulation de l’azote et du phosphore…) et reste « la manière de produire des protéines animales la moins intensive en carbone », indique M. Pernet.
Mais « l’idée, c’est d’éviter de gaspiller de l’argent public pour des sujets qui n’en sont pas », ajoute-t-il.
Pour réduire les émissions de CO2 de la conchyliculture, les auteurs recommandent ainsi de remettre les déchets de coquilles consommées dans la mer, où elles vont se dissoudre et piéger du CO2. Ou bien de cultiver des algues à côté des coquillages.