La proposition de loi, portée par la droite et soutenue par l’exécutif, devrait aussi permettre à la gauche d’afficher une unité retrouvée, après de fortes divergences stratégiques sur les textes budgétaires. Censuré par La France insoumise mais négocié par le Parti socialiste, le budget de l’Etat devrait être définitivement adopté au Sénat jeudi matin.
Au même moment, l’initiative des Républicains (LR) sur Mayotte, examinée à l’Assemblée lors de la journée réservée aux textes de ce groupe, sera combattue par les députés socialistes et insoumis, pour qui le sujet touche aux « principes républicains ».
De l’autre côté de l’hémicycle, le Rassemblement national devrait pour sa part la soutenir, même s’il critique une mesure de « bricolage » face à l’immigration en provenance des Comores voisines.
« La question migratoire empêche Mayotte de fonctionner et de connaître un avenir dans la République », a déclaré à l’ouverture des discussions le ministre de la Justice Gérald Darmanin, représentant le gouvernement.
« Les perspectives d’accès à la nationalité française constituent un facteur indéniable (…) d’attraction pour l’immigration irrégulière », a ajouté le député LR Philippe Gosselin, rapporteur du texte.
Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte, qui restreint la possibilité de devenir français pour les enfants nés sur l’archipel: il faut que l’un des parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis trois mois.
Le texte des Républicains propose d’élargir cette condition aux « deux parents », et d’étendre la durée nécessaire de leur présence régulière sur le territoire à un an.
« Vous allez adopter une mesure qui est indécente et qui ne respecte pas les valeurs de la France », a fustigé l’écologiste Dominique Voynet. « Vous faites de l’idéologie, faute d’être capable d’être efficace sur le terrain », a-t-elle accusé.
La proposition de loi avait été élaborée avant le passage du dévastateur cyclone Chido sur l’archipel. Mais celui-ci a ravivé les débats sur l’immigration dans le département de l’océan Indien, face à des populations vivant pour beaucoup dans des bidonvilles très vulnérables lors de telles catastrophes.
Une loi d’urgence sur la reconstruction à Mayotte doit être définitivement adoptée au Parlement rapidement, et une autre loi plus ambitieuse est prévue au printemps.
– « Copie conforme » du RN –
Le texte porté par LR est « bienvenu » et « très intelligent », selon le député macroniste Mathieu Lefèvre, car il envoie « un signal fort » sans pour autant nécessiter de modification constitutionnelle, contrairement à une suppression totale du droit du sol.
Son adoption dépendra toutefois de la mobilisation des députés des différents bords.
Si ceux de la coalition soutenant le gouvernement sont « peu représentés » dans l’hémicycle, contrairement à ceux de la gauche, « ça pourrait poser une difficulté », reconnaissait M. Gosselin la veille.
Autre obstacle possible: le temps. Une « niche » parlementaire réservée à un groupe s’achève obligatoirement à minuit.
Or LFI a déposé plusieurs dizaines d’amendements, qu’elle entend défendre « jusqu’à épuisement », avec « l’intégralité des secondes et des minutes à notre disposition », a dit à l’AFP le député Ugo Bernalicis.
« Je ne sais pas si ce sera suffisant pour empêcher le vote de se tenir. Mais si le vote ne se tenait pas, ce serait vraiment une victoire », a-t-il ajouté, en regrettant que le PS et les écologistes n’aient pas rejoint LFI sur cette stratégie.
Quoiqu’il advienne, le temps passé sur Mayotte sera autant de moins consacré aux autres propositions prévues par LR pour la journée: notamment un texte visant à « prioriser les travailleurs » dans l’attribution de logements sociaux, suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs délinquants, ou un autre visant à plafonner le cumul du RSA et des Aides personnalisées au logement (APL) à 70% du SMIC.
Un programme taxé de « copie conforme des textes du Rassemblement national » par le député PS Arthur Delaporte.