« Nous avons besoin de rendre ce métier plus attractif, faire en sorte que les matelots puissent embarquer sur des bateaux en toute sécurité. Des bateaux qui vont bien pêcher, de façon durable, et qui puissent leur assurer le revenu dont ils ont besoin », a déclaré le ministre de l’Agriculture également en charge de la Pêche, Stéphane Travert, en marge des assises de la pêche et des produits de la mer à Quimper (Finistère).
Seul hic : « Ca coûte cher », reconnaît-il, même s' »il y a des chefs d’entreprises qui prennent des risques ».
Le rythme de nouveaux permis de mise en exploitation s’est quelque peu accru, passant d’une vingtaine par an jusqu’en 2013 à 57 l’an dernier. Mais « 57 navires, c’est une goutte d’eau dans la mer », souligne Olivier Le Nezet, président du comité régional des pêches maritimes de Bretagne. Il rapporte ce chiffre aux 4.000 bateaux de pêche en France métropolitaine.
Agés de 27 ans en moyenne, les deux tiers d’entre eux sont à renouveler.
« Il faut préparer l’avenir », estime Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur de la DPMA (direction des pêches et de l’aquaculture). Si le prix du gasoil, notamment, a pénalisé les armements français durant les années 1990/2000, « aujourd’hui, les prix du carburant sont bons mais il faut se préparer à un retournement de conjoncture ».
Un nouveau décret paru récemment doit permettre de « fluidifier » le traitement des nouveaux permis de mise en exploitation de navires et l’Etat s’efforce de toiletter la liste des armements toujours enregistrés mais qui restent à quai. Mais cela reste insuffisant pour accélérer suffisamment les mises en chantier.
« Dans les années 1990/95, il y avait 3.000 navires de pêche en Bretagne. Cette année, il y en a 1.300. A ce rythme-là, il faudra à peu près 100 ans pour renouveler la flotte de pêche », déclare Pierre Karleskind, vice-président de la Région Bretagne en charge de la mer.
Si la flotte n’est pas modernisée rapidement, « on risque de perdre encore des bateaux, qui constituent l’ossature de la filière », s’inquiète-t-il.
– « Un cercle vicieux » –
Un bateau qui est vieux consomme plus et nécessite plus d’entretien. D’où une « rentabilité dégradée, qui nuit à la constitution de capitaux pour renouveler la flotte », explique-t-il.
Le salut de certains armements pourrait venir en partie des banques.
Arkea Capital, filiale du Crédit Mutuel Arkea, a annoncé jeudi lors d’une table ronde consacrée à cette problématique la constitution prochaine d’un « fonds dédié aux activités de la mer ».
Alors qu’actuellement, les banques qui financent un prêt amortissable exigent du patron pêcheur un apport de 30% minimum de la valeur du bateau, soit souvent des sommes avoisinant ou dépassant le million d’euros, ce fonds, doté dans un premier temps de 10 millions d’euros et également destiné à financer des projets aquacoles, pourrait apporter des fonds propres aux pêcheurs souhaitant acheter un nouveau bateau.
Ce fonds permettrait de ne pas ponctionner outre-mesure la trésorerie d’entreprises déjà endettées et de leur « donner de l’air pendant au moins huit ans », selon Marc Brière, président du directoire d’Arkea Capital qui, avec le Crédit Maritime, finance 95% des entreprises de pêche bretonnes.
Après avoir payé pendant huit ans de petits intérêts annuels, de l’ordre de 2 à 3% par an, les pêcheurs paieraient une prime de remboursement avec l’argent gagné grâce à leur flotte modernisée.
« Ca peut permettre de mettre en selle quelqu’un », estime Soazig Palmer-Le Gall, dirigeante de l’Armement Bigouden, une flotte de 11 chalutiers, qui vient de prendre livraison d’un nouveau bateau permettant de rajeunir quelque peu l’âge moyen de sa flotte de pêcheurs de fond.
Elle estime toutefois que le dispositif « demande à être précisé ».
« Ce fonds répond à une partie de l’enjeu », estime Pierre Karleskind, qui pense qu' »on est en train de transformer un cercle vicieux en triangle vertueux » et indique que la région réfléchit à accompagner cet effort.