Leur étude, publiée récemment dans le « Bulletin of marine science », compare l’évolution de deux écosystèmes situés à 1.000 km l’un de l’autre, l’un soumis à une gestion régulée de la pêche (Afrique du Sud) et l’autre non (Namibie).
« En Namibie, les quelque 10 millions de tonnes de sardines dans les années 1960 ont laissé place à 12 millions de tonnes de méduses », notent les chercheurs. « Il y a eu une très mauvaise gestion des stocks de sardines et d’anchois, surexploités et qui ont quasiment disparu », explique Philippe Cury, l’un des co-auteurs de l’étude.
« On estime que la biomasse des méduses y est désormais 2,5 fois égale à celle cumulée des poissons: c’est gigantesque et le problème, c’est qu’on ne sait pas comment ce sera réversible », alerte le chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) basé à Sète, en France.
« En Afrique du Sud, il y a eu une gestion très précautionneuse de la pêche de poisson fourrage (sardines, anchois, harengs, etc.) avec année après année une adaptation de l’effort de pêche en fonction des quantités disponibles, et on n’y observe pas cette irruption de méduses », poursuit Philippe Cury.
« Cette étude montre l’impact de l’homme sur la prolifération des méduses car jusqu’à maintenant les travaux se concentraient essentiellement sur les fluctuations de l’environnement, c’est à dire d’ordre climatique », explique le scientifique.
Le déclin de certains prédateurs et le chalutage des grands fonds sont d’autres pistes étudiées par la communauté scientifique.
« Là, on montre que si on retire une composante de l’écosystème, on a un basculement et un écosystème qui devient dominé par les méduses », note-t-il. « D’où la nécessité de préserver une certaine abondance de poisson fourrage ».
Dans les zones où les petits poissons se font plus rares, il n’y a plus de compétition pour le plancton et les méduses ont la voie libre pour se développer.
A cet effet de niche écologique favorable s’ajoute également le fait que « les méduses inhibent les larves de petits poissons: s’ils sont abondants, ils arrivent à assurer leur survie mais sinon, les méduses prennent le dessus », détaille Philippe Cury.