Agés de 26 à 31 ans, les trois accusés ont expliqué devant la cour d’assises avoir perdu leurs moyens d’existence du fait du tsunami de 2004, qui a détruit les embarcations et provoqué une raréfaction de la ressource en poissons ou en langoustes, ainsi que de la grande sécheresse de 2005, qui a laminé les troupeaux.
Alors qu’ils étaient complètement démunis, des chefs pirates les aident en 2009, fournissant vêtements ou encore drogue (khat), puis 100 dollars pour effectuer un « travail », ont-ils expliqué.
Kalachnikov en bandoulière, il tentent sans succès de détourner un cargo, l’African Star, puis, à cinq dans une vedette, se rabattent sur la Tanit, le petit voilier de voyage de la famille Lemaçon. Pour deux des accusés au moins, c’est la première action de piraterie.
A la barre, Mahamoud Abdi Mohamed, qui ne sait pas s’il a 26 ou 27 ans, raconte une enfance dans une famille de nomades dont le père meurt « par accident », tué d’une balle, quand il a 8 ans. A 12 ans, il s’occupe de l’élevage de chèvres familial mais, après avoir perdu quasiment tous ses animaux lors d’une grande famine en 2005, il se rabat sur la pêche en 2005.
‘Faire vivre ma famille’
« Il n’y avait pas d’autre travail que la pêche, ma seule préoccupation c’était de faire vivre ma famille, je risquais ma vie car je ne savais pas nager », explique le jeune, analphabète, qui va accepter en 2009 le travail offert par les chefs pirates, sans savoir, selon lui, qu’il s’agissait de piraterie.
Mohamed Mahamoud, 31 ans, est lui l’un des 20 enfants d’un ex-policier, devenu docker après les troubles des années 1990 en Somalie. Capable d’écrire et de lire dans sa langue natale, il était pêcheur de poissons et langoustes entre la Somalie et le Yémen avant de perdre sa barque lors du tsunami en 2004. Il laisse finalement tomber son activité de pêcheur en 2007. « Le tsunami a provoqué une raréfaction de la pêche, langoustes et poissons », explique-t-il.
Abdelkader Ousmane Ali, 29 ans, a perdu son père quand il avait 12 ans et a commencé à faire de petits boulots pour faire vivre sa famille. A 16 ans, il devient pêcheur de poissons et langoustes, principalement pour des intermédiaires qui revendent aux Emirats Arabes Unis. Mais les Emirats vont cesser de s’approvisionner en Somalie et il ne vendra plus qu’au marché local, à bas prix, explique-t-il.
Chloé Lemaçon, l’épouse du skipper tué dans l’opération des commandos français menée pour libérer les otages de la Tanit, regarde attentivement les trois Somaliens raconter leur vie, sans colère dans le regard, mais de la tristesse. La jeune femme est aujourd’hui installée à Madagascar où elle a monté un projet humanitaire.
La prise d’otages a lieu en avril 2009. Florent, Chloé et leur fils Colin avaient quitté Vannes fin juillet 2008 à bord du voilier de 12,50 m pour rejoindre Zanzibar, dans l’Océan indien. Au moment de leur capture par les pirates somaliens, deux autres équipiers se trouvent à bord. L’opération des commandos français pour libérer les otages se solde par la mort de deux pirates embarqués ainsi que par celle de Florent Lemaçon.
Les trois Somaliens, arrêtés par les forces françaises, comparaissent jusqu’à vendredi pour « détournement de navire par violence ou menace, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes commis en bande organisée ».