Dans le département le plus pauvre de France, les montants des droits sociaux ne sont pas les mêmes que dans le reste du pays. Le RSA, par exemple, y est encore deux fois plus bas que dans l’Hexagone.
Au dernier jour de l’examen du projet de loi du gouvernement pour « refonder » Mayotte, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un article prévoyant la convergence sociale d’ici cinq ans, c’est-à-dire une harmonisation du niveau de prestations sociales entre Mayotte et la métropole.
Les députés ont inscrit dans la loi un premier objectif d’atteindre « 87,5% » du Smic dès le 1er janvier 2026. Avec la volonté, selon le ministre des Outre-mer Manuel Valls, de « prioriser le travail ».
Plusieurs députés ont rappelé que les promesses de convergence ne sont pas nouvelles mais n’ont jamais été tenues.
« À l’époque où vous étiez Premier ministre, vous aviez présenté en grande pompe un plan, dans lequel vous aviez déjà promis l’alignement pour 2025. On est en 2025 et l’alignement n’a pas eu lieu », a lancé le député RN Yoann Gillet à Manuel Valls.
L’ancien Premier ministre a rétorqué être parti du gouvernement en 2016, et tenté d’apaiser les inquiétudes en rappelant que c’est la première fois que cette convergence sera gravée dans la loi.
Plusieurs députés ultra-marins ont dénoncé l’horizon de cinq ans, à l’image du député de Guyane Davy Rimane (LFI) qui « n’arrive pas à comprendre qu’on puisse dire à nos compatriotes de Mayotte d’attendre encore cinq ans ».
« C’est une question de justice sociale et d’égalité », a-t-il insisté.
« Cinq ans permettent de mettre en oeuvre cette convergence sociale dans les meilleures conditions possibles », a répondu M. Valls, afin, notamment, de ne « pas fragiliser les entreprises ».
Les députés ont décidé d’exclure l’aide médicale d’Etat (AME) de ce champ, en adoptant un amendement du Rassemblement national, avec le soutien du gouvernement.
Mayotte est le seul département français où l’AME, dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès à certains soins sans avance de frais, ne s’applique pas.
Le groupe d’extrême droite a remporté d’autres victoires. Ils ont par exemple réussi à circonscrire aux seuls élèves de nationalité française la prise en charge par l’Etat d’un billet aller-retour annuel pour les lycéens poursuivant leurs études en dehors de l’archipel.
« C’est l’absence » du « socle commun » dans l’hémicycle qui a permis à des mesures « scandaleuses » et « totalement inconstitutionnelles » d’être adoptées, a accusé Manuel Valls après le vote de cette mesure.
– Combien d’habitants ? –
Plus tôt dans la journée, les députés ont supprimé une mesure particulièrement irritante pour les Mahorais, qui facilite les expropriations afin de permettre la construction de certaines infrastructures.
L’Assemblée a inscrit dans la loi le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025, une disposition très attendue sur l’île.
Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu’elles ne le devraient et des services publics saturés.
L’Assemblée a également donné son feu vert à plusieurs modifications institutionnelles, avec la transformation du conseil départemental de Mayotte en une véritable Assemblée.
Plus tôt dans la semaine, les députés s’étaient attaqués aux mesures les plus controversées visant à « redéfinir » l’archipel près de six mois après le cyclone Chido: celles pour lutter contre l’immigration, notamment venant des Comores voisines, et l’habitat informel, deux « fléaux » érigées en priorité par le gouvernement.
Une mesure pour faciliter la destruction des bidonville a été adoptée. Ses opposants ont alerté sur le risque d’aggraver le nombre d’enfants à la rue. Une autre permet de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
Plus consensuelle, l’Assemblée a aussi validé la suppression, à l’horizon 2030, des visas territorialisés à Mayotte, qui empêchent les détenteurs d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone.
L’examen du texte, adopté fin mai au Sénat, se poursuit vendredi soir avec encore 200 amendements encore en discussion.
Un vote solennel sur l’ensemble du texte doit se tenir mardi.