Au niveau mondial, « les stocks sont colossaux sur le papier, mais on est dans une situation de grande dépendance. La clé du marché reste la mer Noire », a affirmé Nathan Cordier, chef analyste chez Agritel, lors d’une conférence de presse.
D’excellentes récoltes s’annoncent en Australie et au Canada, mais les productions de l’Union européenne et des Etats-Unis « sont à peine à leur moyenne quinquennale », relève-t-il.
En Europe, la situation est très hétérogène, avec des productions inférieures de 19% à la moyenne des cinq dernières années en Espagne ou en Italie, pays qui ont particulièrement souffert de la sécheresse, tandis qu’elles ont supérieures, de 3% en Roumanie et de plus de 20% dans les pays baltes, selon les estimations du cabinet.
Les plus importantes marges se trouvent en mer Noire. La moisson s’annonce extraordinaire en Russie, avec une production record estimée à 95 millions de tonnes par Agritel (88 millions de tonnes selon le dernier rapport du ministère américain de l’Agriculture), et des exportations potentielles de 42 millions de tonnes.
« Pour la première fois de l’histoire, la Russie dispose de plus de 100 millions de tonnes de blé, production et stocks confondus », relève Nathan Cordier, qui souligne que les exportateurs de la mer Noire (Russie, Ukraine et Kazakhstan) représentent à eux seuls « 40% des stocks » des principaux exportateurs mondiaux de blé.
La production de blé des cinq grands exportateurs hors mer Noire (UE, Canada, Australie, Etats-Unis et Argentine) « ne leur permettra pas de couvrir une défaillance de l’Ukraine ou de la Russie », souligne l’analyste.
Depuis trois mois, le marché s’est progressivement rassuré, avec la reprise des exportations ukrainiennes par la route et le rail, puis la mer. Le corridor maritime établi en Ukraine après un accord signé fin juillet avec la Russie a favorisé la relance du trafic marchand sur la mer Noire.
Agritel estime que Kiev pourrait exporter cette année 12 millions de tonnes de blé (contre plus de 18 millions de tonnes en moyenne ces cinq dernières années). Mais cette fragile victoire commerciale de l’Ukraine reste soumise aux aléas du conflit et « la tension peut vite reprendre », estime M. Cordier.