Un monolithe, usé par le temps, des hautes herbes et deux couronnes de fleurs fanées ceintes du drapeau français rappellent les efforts de l’ingénieur Lesseps, déjà à l’origine du canal de Suez, pour tenter de percer une voie navigable entre les océans Atlantique et Pacifique, entre 1881 et 1904.
Dans ce cimetière, situé dans le quartier Paraiso (Paradis), aux abords du canal, gisent les restes de centaines de Français. Une petite partie seulement des milliers de travailleurs ayant péri aux cours des travaux, finalement menés à terme par les Etats-Unis, entre 1904 et 1914.
« Le projet français a échoué en raison de la déficience des études techniques, du gaspillage et de la corruption (…), ainsi que des maladies », explique à l’AFP Reymundo Gurdian, de l’Institut d’études nationales de l’Université de Panama.
On estime que 22.000 personnes ont perdu la vie sous la direction française du chantier, principalement en raison du paludisme et de la fièvre jaune.
Mais les cas de tuberculose, de pneumonie ou d’autres pathologies causées par la mauvaise alimentation et les conditions sanitaires déplorables étaient également fréquents parmi les ouvriers, majoritairement antillais (jamaïcains), chinois et français.
Beaucoup d’entre eux, contraints de travailler sous la pluie et dans des eaux stagnantes où se reproduisaient les moustiques vecteurs de maladies, ont péri abandonnés par leurs entreprises qui les renvoyaient pour ne pas avoir à payer de frais médicaux, rappellent des historiens.
Mais les maladies ne sont pas les seules causes de l’effondrement du rêve de Lesseps, qui avait créé la Compagnie universelle et levé des fonds à la Bourse de Paris pour creuser un canal interocéanique sans écluse.
Cette erreur de conception a retardé et renchéri le coût initial du projet, estimé à 102 millions de dollars de l’époque. Gaspillage et corruption ont mis à genoux la Compagnie, qui a fini par rembourser certains investisseurs avec des tickets de loterie.
Et bien que la sentence n’ait jamais été mise à exécution, Lesseps a été condamné à une peine de prison pour malversation, au côté de Gustave Eiffel, qui, d’abord opposé au projet, y a finalement apporté son concours, parallèlement à la construction de sa Tour, à Paris.
En 1889, les travaux ont cessé, et 250 millions de dollars avaient été dépensés par plus de 450.000 investisseurs. De nombreuses familles se sont retrouvées sur la paille, provoquant l’un des plus importants scandales financier et politique de l’époque en France.
En 1904, Les Etats-Unis ont repris le projet. Quasiment 6.000 ouvriers supplémentaires perdront la vie avant l’inauguration, en 1914.