Situé à l’extrême sud-est de l’Iran, et à seulement une centaine de kilomètres de la frontière pakistanaise, Chabahar est le seul port iranien échappant aux sanctions économiques rétablies unilatéralement par Washington en 2018. C’est aussi le plus grand port de la côte sud de l’Iran en dehors du Golfe.
En bordure de l’océan Indien, Chabahar s’est vu octroyer une dispense lui permettant d’échapper aux sanctions. Pour le département d’Etat, ce régime spécial est justifié par la nécessité de soutenir « l’assistance à la reconstruction de l’Afghanistan et le développement économique de ce pays ».
Selon des sources officielles, Téhéran a investi un milliard de dollars dans le développement du port Chahid-Béhechti de Chabahar.
Les autorités espèrent en faire une place tournante qui désenclaverait l’Afghanistan et permettrait à l’Inde de commercer avec ce pays en contournant le Pakistan, son voisin et rival.
Les ambitions de la République islamique ne s’arrêtent pas là : à terme, l’idée est de créer une nouvelle route commerciale en reliant Chabahar à l’Asie centrale par le rail. Ce projet de voie ferrée a été baptisé « couloir Nord-Sud ».
« Nous continuerons de développer ce port […] Le réseau ferroviaire, le réseau routier et l’aéroport sont tous en train d’évoluer pour permettre la mise en oeuvre du couloir Nord-Sud, qui est d’une importance stratégique pour nous », a déclaré à l’AFP le ministre du Transport et du Développement iranien, Mohammad Eslami.
La première phase du projet d’agrandissement du port, coincé entre océan et désert, a déjà permis de gagner plus de 200 hectares de terrain sur la mer, et 17,5 millions de mètres cubes ont été dragués pour créer un tirant d’eau de 16,5 mètres, selon les données officielles.
Mais bien que les nouvelles installations soient opérationnelles depuis décembre 2017, l’activité tarde à décoller.
Les quelque 130 navires de plus de 1.000 tonnes ayant accosté entre le 21 mars 2018 et le 20 février 2011, ont chargé et déchargé un total cumulé de 2,1 million de tonnes de marchandises, selon les dernières données officielles, loin des 8,5 millions de tonnes correspondant à la capacité annuelle du port. Et seuls 20 bateaux ont fait escale dans la nouvelle partie du port.
– Prise de risque –
Les autorités affichent néanmoins leur optimisme. Au cours des 11 premiers mois de l’année iranienne 1397 (commencée le 21 mars 2018), le volume des marchandises chargées ou déchargées au port a augmenté de « 56% […] par rapport à l’année précédente ».
Et « nous avons une hausse de 25% du nombre de navires ayant relâché au port », indique à l’AFP Hossein Chahdadi, adjoint au directeur des affaires maritimes et portuaires de la province du Sistan-Baloutchistan.
Pour Arun Kumar Gupta, directeur général de la société indienne India Ports Global, qui s’est vu confier la concession de la nouvelle phase du port pour 10 ans, la situation actuelle n’a rien d’anormale.
« Pour tout port, il y a une période de gestation. Il y aura des périodes de vaches maigres mais nous sommes absolument certains que le trafic [maritime] va décoller », dit-il, misant sur la proximité de l’Inde et de l’Afghanistan.
La localisation du port n’a pourtant pas que des avantages.
Province déshéritée, le Sistan-Baloutchistan est régulièrement frappée par des attentats ou des affrontements entre forces de l’ordre et groupes jihadistes ou séparatistes baloutches que Téhéran accuse Islamabad de soutenir. En décembre deux policiers ont ainsi été tués dans un attentat suicide à Chabahar
En février, des centaines de policiers et soldats ont dû être déployés pour assurer la sécurité des invités lors d’une conférence destinée à inciter investisseurs et entreprises à s’intéresser à Chabahar et à marquer symboliquement l’exportation de la première cargaison afghane, selon des journalistes de l’AFP.
Malgré cela et les sanctions américaines qui rendent pratiquement impossible le moindre paiement de l’étranger vers l’Iran, certains, comme Afsaneh Rabiani, estiment que le jeu en vaut la chandelle.
« J’étudie Chabahar depuis un an et demi, dit cette femme d’affaires à la tête d’une société transitaire, et les infrastructures sont désormais en place pour permettre de travailler sérieusement ici ».
Pour elle, le port offre des occasions extraordinaires à « ceux qui sont prêts à prendre des risques ».