Au premier rang des inquiétudes, les intervenants évoquent une météo mondiale adverse pour les cultures – trop sec en Russie et en Amérique, trop de pluie en France et en Indonésie – et un regain de tensions géopolitiques propice à la volatilité des cours.
De la Bourse de Chicago à celle de Paris, la remontée des cours des grains s’est essoufflée ces derniers jours, alors que les fonds d’investissement, qui avaient soutenu les prix en achetant pendant des semaines, ont ralenti le mouvement.
« Le marché prend une respiration après avoir remonté ces six dernières semaines », relève Jason Britt, de Central State Commodities, en attendant le rapport mensuel du ministère américain de l’Agriculture, dit « Wasde », sur les stocks, productions et exportations mondiaux vendredi.
– Poids du blé mer Noire –
Toutefois, « le blé ne va pas fléchir beaucoup », prévoit Dewey Strickler, analyste chez Ag Watch Market Advisors, du fait notamment des bombardements en mer Noire, où deux vraquiers ont été touchés par des missiles lundi et mardi.
Sur le marché européen, le prix de la tonne de blé tendre grimpait légèrement mercredi, s’échangeant à 231,5 euros vers 14H00 GMT sur l’échéance la plus rapprochée, le maïs suivant en légère hausse, autour de 214 euros la tonne.
La cause principale de cette fermeté du blé tient au fait que les prix russes « continuent de monter, ce qui limite le potentiel de baisse » des blés européens et en premier lieu français, souligne Arthur Portier, analyste chez Argus Media France.
Ces prix montent d’abord du fait du retour sur le marché de grands acheteurs comme l’Algérie, l’Arabie saoudite et l’Egypte. Cette dernière aurait acheté, sans passer par un appel d’offre, 3,12 millions de tonnes de blé, selon plusieurs courtiers.
« On estime que sur tous ces achats, il n’y aura que du blé d’origine mer Noire, essentiellement russe », indique Damien Vercambre, de la maison Inter-Courtage.
Le cours de la céréale est aussi soutenu en raison de conditions climatiques difficiles chez le premier exportateur mondial, avec une sécheresse persistante dans les plaines céréalières de la Volga et du Centre.
« A l’heure actuelle, la Russie accuse un retard de semis d’environ un million d’hectares par rapport à l’an dernier: on est à 11,3 millions d’hectares de blé semés contre plus de 12 millions habituellement », explique Arthur Portier.
A l’inverse, en France, c’est l’arrivée de nouvelles pluies qui désespère les agriculteurs. Là, les blés et orges d’hiver peuvent encore être semés pendant un mois, mais le retard pris sur la récolte de maïs inquiète.
Plus la pluie dure, plus elle retarde le moment où les moissonneuses-batteuses pourront accéder aux champs, risquant de voir baisser les rendements très prometteurs du grain jaune cette année, après une récolte de blé catastrophique.
– L’huile de palme ferme –
Aux Etats-Unis, premier exportateur du grain jaune, les analystes attendent un léger ajustement du rapport Wasde en raison d’une fin de saison un peu sèche, laissant présager des rendements « pas aussi bons » qu’initialement annoncé par l’USDA, selon Jason Britt.
« On s’approche du seuil de 50% des moissons » de maïs et soja réalisées, ce qui correspond traditionnellement à un point bas pour les cours, lié à l’arrivée de volumes supplémentaires sur le marché, dit-il.
En outre, relève Arlan Sudermann, de la plateforme de courtage Stone X, « les fermiers (américains) savent que l’Amérique du Sud (le Brésil surtout) veut augmenter sa production (de maïs) et ils n’ont pas de capacités suffisantes pour tout stocker. Donc il faut faire des choix et ils préfèrent stocker le maïs plutôt que le soja. Cela veut dire qu’il y a beaucoup de soja qui arrive sur le marché, ce qui fait baisser les prix ».
Le marché des oléagineux (colza, tournesol, soja…) est essentiellement soutenu par la « fermeté » des cours de l’huile de palme à la Bourse de Kuala Lumpur, pour trois raisons, note Arthur Portier: « des stocks faibles en Indonésie et en Malaisie », « des précipitations très fortes annoncées sur l’Indonésie » et « le report à 2026 de la loi anti-déforestation » de l’Union européenne à 2026, ce qui permettra la poursuite des importations.
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