Le pêcheur sétois s’est mis à la palangre il y a quatre ans, après la décision des autorités de protection du thon de limiter la pêche à la senne à un mois par an, pour protéger ce poisson très convoité, aux stocks laminés par la surpêche des années 90-2000.
« On a perdu 70% de notre revenu », se souvient Renaud, 34 ans, taches de rousseur surmontées d’un regard vert.
Auparavant, il travaillait huit mois par an sur les senneurs traquant le thon autour des Baléares, encerclant les bancs à l’aide d’immenses filets avant de les remorquer dans des cages où les poissons sont engraissés en pleine mer, puis envoyés en quasi-totalité au Japon.
Aujourd’hui, le jeune homme embarque encore le temps de la campagne autorisée, en mai-juin.
L’autre moitié de son salaire annuel vient désormais de la pêche à la ligne, autorisée presque toute l’année. Cette technique, que cherche à promouvoir l’association France Filière Pêche, financée par la grande distribution, est désormais la seule pourvoyeuse de thon rouge pour le marché français.
Le long de la Méditerranée, 87 bateaux se partagent les 230 tonnes de quotas autorisées, alors que les senneurs ont droit à 1.900 tonnes. Renaud peut pêcher 10 tonnes par an.
« Au début, on pensait que les quotas étaient trop contraignants, après on s’est aperçus que c’était une bonne chose pour éviter la fraude » et pour protéger la ressource, reconnaît-il.
Les pêcheurs du coin le constatent: depuis le durcissement des quotas, le thon rouge est bien plus abondant, à seulement une dizaine de km au large de Sète. A condition de placer sa ligne au bon endroit.
– « Ferrari du poisson » –
Au soleil couchant, Renaud et son collègue Gilbert commencent à remonter la palangre. Au loin, on distingue un banc de thons en chasse, sautant par-dessus les vagues en quête d’anchois et sardines.
Quelques-uns seront-ils attirés par les appâts? Au bout d’une heure d’attente anxieuse, la ligne se tend enfin. Renaud bondit, harponne avec un crochet la tête du thon qui se débat, bataille ferme pour l’amener à l’avant du bateau et le jeter dans une glacière.
Il prend soin de ne pas abîmer la précieuse chair, dont le prix, payé environ 10 euros/kg au pêcheur, peut grimper jusqu’à 35 euros chez le poissonnier.
Sous une lune rousse, la chance sourit finalement aux deux comparses: 15 thons seront attrapés au fil de la soirée. Le plus gros pèse 52 kilos pour 1,45m de long.
Avant même d’entrer dans le port, les pêcheurs appellent le centre national des pêches pour déclarer leurs prises, une obligation spécifique au thon rouge.
Interdiction de débarquer le poisson avant le contrôle du lendemain matin. A 8H00, Renaud et Gilbert pèsent et mesurent chaque thon sous l’oeil des agents des Affaires maritimes, qui baguent scrupuleusement chaque animal pour assurer une parfaite traçabilité.
Sur le quai, le camion du mareyeur attend. Les 400 kg de thon rouge étaient vendus avant même d’avoir été pêchés, principalement à des poissonniers de la région ou à de grands restaurants.
« C’est la Ferrari du poisson, un beau produit rare », de bien meilleure qualité que les thons pêchés en masse par les senneurs, assure Didier Favolini.
Très soucieux de traçabilité, le mareyeur a mis en place un système de flashcode qui permet au client, via Internet, de savoir par quel bateau son poisson a été pêché.
Demain, Renaud et Gilbert reprendront la mer. L’imprévisible thon rouge est bien plus qu’un gagne-pain. « Il me fascine, car je ne le comprends pas », sourit le jeune patron.