Mercredi, le bataillon organisait dans la deuxième ville de France un séminaire sur « la gestion de crise par les acteurs maritimes et portuaires » avec 150 experts du secteur.
Question : Les marins-pompiers de Marseille sont le référent pour les interventions en mer et dans les ports en France, en quoi cela consiste-t-il?
Réponse : Le bataillon est issu de la Marine nationale, nous avons cette culture maritime. Après la Seconde Guerre mondiale, le port de Marseille était en plein essor au niveau du trafic maritime. Les règles de construction des bateaux n’étaient pas aussi développées, on avait à peu près un gros feu par semaine.
Les autorités ont décidé en 2016 de nous confier cette mission de référent national, on anime tout le réseau maritime pour la sécurité portuaire et en mer. Ça permet, en termes de projection et de formation, d’essayer de ne pas être pris au dépourvu, d’anticiper les sinistres.
Q : Quels sont les nouveaux risques auxquels vous faites face?
R : Les véhicules électriques qui sont chargés à bord des navires représentent un risque nouveau: l’incendie avec emballement thermique dû à un échauffement des batteries. Et cet emballement thermique, quand il intervient, on ne sait pas le stopper. Les éléments constitutifs des batteries contiennent de l’oxygène. Quand les éléments se décomposent, ça produit de l’oxygène et ça entretient de fait l’incendie. On arrive aux alentours de 800-900 degrés assez rapidement.
On va donc devoir utiliser de l’eau en grande quantité pour éviter la propagation: au lieu de travailler sur 500 litres par minute, on va doubler le débit d’eau.
On a un projet avec Armateurs de France pour fédérer une réflexion qui aboutira sur une doctrine d’intervention commune et l’acquisition de matériel comme des robots, avec des systèmes de détection thermique, des dispositifs d’arrosage.
Aujourd’hui, les seules règles sont des règles de bon sens. Nous participons à un groupe de travail pour deux ans et à l’issue de cette période on fera des propositions. Parmi les actions de prévention envisagées, il y a celle de ne transporter des véhicules qu’avec 30% de charge car c’est lorsque les batteries sont chargées au maximum qu’elles semblent être les plus dangereuses. Ça pourrait par exemple faire partie à l’avenir d’une préconisation lors de l’achat d’un billet pour un ferry.
Q: Il y a aussi le gigantisme des navires, l’apparition de nouveaux carburants, ça vous inquiète?
R: Le gigantisme concerne les navires de charge comme de croisière. Il ne faut pas dramatiser parce qu’à bord, ils ont une structure existante qui prend en compte le risque incendie et pour les croisiéristes, c’est un enjeu majeur. Ils ont des équipes dédiées qui permettent de faire face à ces situations qui peuvent prendre de l’ampleur. Nous, dans ce cas-là, on interviendrait en renfort.
Ensuite, il y a l’émergence des nouveaux carburants dans le cadre de la décarbonation du monde maritime.
Le gaz naturel liquéfié ce n’est pas un problème en soi parce que dans nos missions quotidiennes, on est habitué à travailler sur des fuites de gaz sur les réseaux urbains. Donc on transpose ça au milieu (des) navires avec quelques adaptations.
Ensuite, on a l’ammoniaque. L’avantage lorsqu’il brûle, c’est qu’il n’émet pas de CO2 mais il est très corrosif et toxique. Donc les installations doivent être conçues en conséquence et il faut des règles pour la protection des équipages.
Le méthanol aussi pointe. Là aussi, c’est un produit qu’on connaît avec quelques adaptations au milieu (des) navires.