La petite ville de 5.000 habitants, qui a développé un tourisme populaire lié à la pêche, craint que le futur parc d’éoliennes géantes ne signe à terme la mort économique de ses 50 petits bateaux et 250 marins pêcheurs, dont l’activité fait vivre quelque 750 personnes.
« Si on n’a plus de port de pêche, on perd notre âme, on perd notre coeur », plaide la restauratrice, présidente de l’union des commerçants tréportais et membre de l’association « SOS (Sans off-shore) à l’horizon ».
Annoncé mercredi par la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, le parc attribué à un consortium mené par GDF-Suez comprendra entre 60 et 100 éoliennes hautes de 200 mètres, à une quinzaine de kilomètres du rivage.
« Cela va être un désastre écologique et ce sera la mort de la pêche artisanale. Au Danemark (où l’éolien off-shore s’est massivement développé, ndlr), elle n’existe plus », affirme Olivier Becquet, gérant de la coopérative des pêcheurs (CAPA).
La zone de pêche du Tréport est abondante (8.000 tonnes pêchées chaque année) et peuplée de nombreuses espèces, comme la sole, la seiche, le turbot, les crevettes, les coquilles Saint-Jacques, les tellines, les pétoncles, les amandes de mer…
Mais c’est précisément là que seront implantées les éoliennes, car les fonds marins y sont moins profonds qu’à d’autres endroits du littoral de la Manche.
Les opposants, qui ont disposé à l’entrée de la ville des grands panneaux criant à l' »escroquerie écologique », font valoir que les machine barreront une partie de l’horizon depuis Cayeux-sur-Mer, près de la baie de Somme, à l’est, jusqu’à la centrale nucléaire de Penly, à l’ouest.
– « Port de pêche unique » –
Premier site pressenti historiquement pour de l’éolien en mer en France, avec un projet de la Compagnie du Vent, PME pionnière dont les études ont été reprises par GDF-Suez, Le Tréport lutte depuis des années pour sa ressource halieutique et touristique.
« Nous avions proposé d’autres zones mais ils n’ont pas voulu », regrette Laurent Jacques (PCF), premier adjoint au maire communiste de la ville. Pourtant, « à Fécamp, ils ont choisi une zone où les pêcheurs n’allaient pas », note-t-il, faisant allusion à l’autre port haut-normand, où va être implanté, par EDF cette fois, un autre champ éolien.
Or, au Tréport, la pêche a une importance vitale pour toute l’économie locale, font valoir les opposants au parc.
« Le Tréport, c’est un port de pêche unique, où les touristes peuvent aller à pied voir les bateaux arriver et repartir. Le marché aux poissons est au coeur de la ville et les gens viennent s’approvisionner, leur glacière à la main », explique Magali Huc, directrice de l’Office du tourisme.
« Nous avons la fête aux moules à la Pentecôte, la fête aux harengs en novembre, la foire à la coquille Saint-Jacques en février, ici l’animation est constante, dix mois sur douze », ajoute Mme Huc, soulignant que beaucoup que les touristes viennent de plusieurs régions, notamment du Nord-Pas-de-Calais.
GDF-Suez a assuré aux pêcheurs qu’ils pourront lancer leurs filets entre les éoliennes, espacées d’environ 1 km. « On n’y croit pas, jamais le préfet des affaires maritimes ne l’acceptera, pour des raisons de sécurité », assure M. Jacques.
En regardant la mer depuis son restaurant, Mme Lavoine soupire: « On est en train de créer une pollution visuelle et de dangereux obstacles à la navigation ». Sans parler, ajoute-t-elle, des risques liés au déminage de bombes de la Seconde guerre mondiale, pour certaines chimiques, pendant les travaux.
Les anti-éoliens du Tréport ne baissent pas les bras : « Nous allons déposer des recours juridiques », prévient Gérard Bilon, président de l’association « SOS à l’horizon ».