Les deux derniers gardiens de phare regagnent la terre ferme

La page sera définitivement tournée vers 17h00 lors d’une cérémonie dans ce phare édifié en pleine mer à partir de la fin du XVIème siècle, situé à 7 km des côtes de Charente-Maritime et de Gironde.

Les deux hommes remettront une vieille clef de 30 cm de long à quatre employés du Syndicat mixte pour le développement durable de l’Estuaire de la Gironde, qui seront désormais chargés de l’accueil des touristes pendant la haute saison et de la surveillance du site.

Ils « sont les deux derniers gardiens de phare qui regagnent la terre ferme », confirme-t-on au ministère de l’Ecologie, dont dépend le service des Phares et balises.

« On ne quitte pas un bâtiment comme ça sans un pincement au coeur », souffle le premier, âgé de 60 ans, alors que son collègue Serge Andron, 61 ans, se demande comment il se sentira après deux mois à terre.

« Ce que j’aimais le plus c’était aller en haut à la lanterne observer les mouvements des bancs de sable », dit ce dernier, non sans nostalgie.

Depuis 35 ans, ils passaient jusqu’à 14 jours d’affilée dans le phare de 67,5 m de hauteur, mis en service en 1611.

Après la disparition à la fin des années 1940 de l’éclairage à la lampe à pétrole, puis l’automatisation des signaux et l’arrivée des balises de détresse, leur quotidien était ces dernières années fait essentiellement de tâches de maintenance des groupes électrogènes et d’entretien de ce monument historique, assurant aussi des relevés météorologiques et de marées.

Pendant leur service, les gardiens, arrivés en 1977, vivaient dans des chambres de 16 m2, aux grandes fenêtres sans vue sur l’océan car les zones de vie se trouvent au niveau de la cour.

Dans cette tour de six étages, où 300 marches permettent d’accéder à la lanterne, ils ont traversé bien des tempêtes, y compris celle du 27 décembre 1999.

« Quand vous voyez que tout commence à voler et que tout devient ingérable… les paquets de mer qui commencent à frapper le phare, l’eau qui passe par les fenêtres, des bruits très lugubres… vous priez le bon Dieu et vous attendez que cela se passe », se souvient Jean-Paul Eymond.

Le phare le plus ancien de France survivra pour sa part à la profession.

Au début des années 1980, il devait être abandonné par l’Etat et vendu, mais la mobilisation, notamment de l’Association pour la sauvegarde du phare de Cordouan, a permis son maintien et sa restauration. Il restera ouvert aux visites et surtout gardera pour l’instant son rôle de repère pour les bateaux.

Les phares, assure le président de cette association, Jean-Marie Calbet, sont loin d’être inutiles.

« Il est vrai que les bateaux peuvent se positionner avec des systèmes sophistiqués (comme le GPS, ndlr) mais selon l’Association internationale de signalisation maritime, l’aide visuelle est toujours nécessaire », explique-t-il à l’AFP. L’estuaire sera donc encore illuminé par les signaux (trois en douze secondes) du « roi des phares », portant à 40 km à la ronde.

En cas de panne de l’éclairage, ce seront cependant les services à terre des Phares et balises qui réagiront.

Les deux gardiens, eux, assurent que la mer sera toujours centrale dans leur vie. Serge Andron, issu d’une famille de marins-pêcheurs, entend bien profiter de son bateau avec ses trois petits-enfants.

Jean-Paul Eymond, lui, aura sa « cabane de pêcheur » qu’il a prévu de « retaper ». « Je ne quitterai pas ce milieu qui m’a tellement émerveillé », dit-il.

Ils relatent leur vie dans deux ouvrages: « Une vie sur Cordouan » de Serge Andron et « Les 301 marches de Cordouan » pour M. Eymond.

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