Les pêcheurs français reprennent la mer, rassurés « pour l’instant »

Paris, 3 avr 2023 (AFP) – « Nos efforts ont payé »: les pêcheurs français ont mis fin lundi à leur mouvement de protestation, estimant avoir été entendus sur deux points principaux: la garantie de la poursuite du chalutage de fond dans les aires protégées et la « remise à plat » du plan « cétacés ».

De Boulogne-sur-Mer à Saint-Jean-de-Luz, les armateurs se sont prononcés les uns après les autres pour la reprise des activités, après dix jours de forte houle sur un secteur fragilisé par le Brexit, la hausse des prix du carburant et qui dénonce sans relâche « lourdeurs administratives » et « carcan » européen.

« Pour l’instant, on est satisfait des annonces », résume Philippe Micheau, président du comité des pêches de Charente-Maritime.

« Il y avait un ras-le-bol général, une accumulation d’irritants qui datent de plusieurs années. Ça a créé une cocotte-minute qui a éclaté. Mais aujourd’hui, les gens sont rassurés, on a eu pas mal d’avancées », abonde Philippe Perrot, du comité du Finistère et patron pêcheur à Brest.

Soulagement aussi chez les mareyeurs – qui achètent et conditionnent « 60% des volumes de produits de la mer débarqués en frais » en France: « Les bateaux repartent et nous, on va pouvoir reprendre le travail. Je retiens du mouvement cette solidarité de filière qui s’est installée », relève Peter Samson, de l’Union du mareyage français.

En revanche, chez les « irréductibles » de Lorient, « on reprend le travail avec un goût très amer », a déclaré David Le Quintrec, patron de l’Izel Vor II, à la pointe de la mobilisation. Il juge les avancées insuffisantes, trop vagues, mais estime qu’au moins, le mouvement a « permis de remettre les pendules à l’heure avec nos structures professionnelles », critiquant ouvertement les patrons des comités.

« Ce mouvement aura été éprouvant pour tous (…). J’estime que nos efforts ont payé et que la Commission (européenne) et le gouvernement nous ont donné satisfaction sur les deux points principaux », a déclaré le président du comité national, Olivier Le Nézet, dans un communiqué.

– Fileyeurs « dans le flou » –

Les représentants des pêcheurs sont satisfaits d’avoir obtenu des « assurances » du commissaire européen à l’Environnement et à la Pêche Virginijus Sinkevicius, lors d’une réunion dimanche à Bruxelles où ils se sont rendus avec le secrétaire d’Etat à la Mer Hervé Berville.

A l’issue de cette rencontre, le gouvernement français a annoncé que le commissaire européen avait « réaffirmé » qu’aucune « interdiction des engins de fond dans les aires marines protégées » ne serait imposée aux Etats membres.

La mesure annoncée le 21 février dans le cadre d’un plan d’action européen plus général, visait à protéger poissons, coquillages et crustacés mais aussi des tortues et oiseaux marins menacés par l’usage d’engins de fonds mobiles (chaluts, dragues, palangres, casiers…) dans des aires qui devraient couvrir jusqu’à 30% des eaux européennes en 2030.

Jugée trop lointaine par certaines ONG environnementales, elle avait suscité une levée de boucliers des pêcheurs en France, où elle menacerait « près d’un tiers de la flotte » selon le comité national.

Deuxième point cristallisant la colère des pêcheurs: la récente décision du Conseil d’Etat imposant d’ici six mois la fermeture de certaines zones de pêche en Atlantique afin de préserver les dauphins, dont les échouages se sont multipliés dans le golfe de Gascogne.

Le comité a assuré à l’AFP avoir obtenu du gouvernement « la garantie qu’il y aurait une remise à plat de ce plan cétacés », pour travailler sur la « mise en cohérence des différentes mesures »: géolocalisation des navires, installation de caméras et dispositifs répulsifs, ainsi que la mise en place de « fermetures spatio-temporelles » de certaines zones de pêche.

A Arcachon, le patron de pêche Olivier Mercier n’est pas convaincu: « Nous déplorons que nos collègues chalutiers aient décidé d’arrêter le mouvement. Ils ont obtenu gain de cause à 100% » sur les aires protégées, mais « les fileyeurs sont dans le flou ». Lui attendait au moins l’assurance que les fermetures spatio-temporelles « se feraient en dernier recours » et seraient indemnisées « le cas échéant ».

« Il reste à travailler pour être force de proposition sur le plan cétacés », reconnaît Erwan Quéméneur, coordinateur du comité des pêches du Finistère. Mais il fallait « repartir en mer » parce que « les trésoreries ne sont pas extensibles ».

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