L’étalement urbain, casse-tête de la Guadeloupe

Pointe-à-Pitre, 25 oct 2024 (AFP) – Les centres-bourg de Guadeloupe sont fragilisés par un fléau persistant: les « dents creuses » et les logements vacants ou insalubres. Quelques communes tentent d’y répondre en conciliant besoin en nouveaux logements et lutte contre l’artificialisation des sols, un enjeu crucial sur cet archipel exigu.

« A un moment donné, il faut dire ça suffit ! » Maire de Baillif, dans la région guadeloupéenne de Basse-Terre, Marie-Yveline Théobald-Ponchateau a été le premier édile de l’île à lancer une procédure d’abandon manifeste pour un bâtiment non entretenu, en avril 2023.

A l’entrée de la petite ville côtière de 5.000 habitants, la parcelle de 419 m2 était abandonnée depuis des années, l’imposant bâtiment qui y était construit se dégradait à vue d’oeil. Des logements neufs et des commerces doivent être construits à la place.

L’enjeu pour Baillif, accolée au chef-lieu de la Guadeloupe Basse-Terre, est de « requalifier le centre-bourg » pour rester une ville attractive. « On ne peut pas laisser la décrépitude s’installer », martèle la maire.

En Guadeloupe, le problème est massif. Une étude de la Déal et de l’Etablissement public foncier (EPF) en 2017 révélait que 17,6 % des 13.487 bâtiments recensés étaient vacants, et 9,4% des 11.295 parcelles examinées étaient des « dents creuses ».

« Dans un territoire insulaire exigu, aux ressources naturelles limitées, la limitation de l’étalement urbain et la revitalisation des centre-bourgs sont des enjeux majeurs », soulignait l’étude.

Entre 2010 et 2019, la surface urbaine a pourtant crû de 16% en Guadeloupe, selon l’Insee. Pour Thierry Sabathier, directeur-adjoint de la Déal locale, cette « consommation excessive de terrain » freine la sobriété attendue dans le cadre du « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) inscrit dans la loi Climat de 2021.

« Avec un foncier à 250 euros le mètre carré, il est difficile d’être sobre: cela incite à vendre », s’inquiète M. Sabathier.

Corine Vingataramin, directrice de l’EPF, nuance. « Aujourd’hui, on ne déclasse plus les terrains agricoles comme avant », dit celle dont l’établissement s’attelle depuis 2013 à identifier des espaces fonciers en déshérence et a déjà acquis 300 parcelles.

Une traque complexe, qui demande de retrouver les ayants droits et parfois de dresser « des arbres généalogiques sur plusieurs générations », complète Mme Vingataramin.

– Le casse-tête de l’indivision –

Car dans un territoire dont le cadastre ne date que des années 1970, les indivisions successorales figent les paysages urbains. Bien qu’une loi de 2018 facilite les préemptions, de nombreux élus hésitent à engager de longues batailles juridiques contre leurs administrés.

Arsène Faraux, directeur de l’urbanisme à Morne-à-l’Eau, dans le nord-est de la Guadeloupe, mise lui sur la déclaration de « péril imminent » pour raser des bâtiments abandonnés.

Sa commune a déjà procédé à 10 démolitions et construit un écoquartier sur ces terrains libérés mais « cela reste des procédures de long terme », reconnait M. Faraux.

Reste pour lutter contre l’étalement urbain la possibilité de rénover des bâtiments pour d’autres usages que ceux auxquels ils étaient initialement destinés, ajoute Axel Grava, animateur du Réseau d’urbanisme durable de Guadeloupe.

« Cela doit entrer dans la réflexion de la reconstruction pour anticiper des évolutions dans la société », note-t-il.

À Pointe-à-Pitre, coeur d’une agglomération de 100.000 habitants, le maire Harry Durimel a ainsi proposé de transformer l’ancien CHU en centre d’hébergement et d’insertion.

A la clef, « un vrai travail sur la question de l’insalubrité », rappelle Jean-François Moniotte, le sous-préfet de Pointe-à-Pitre, ville confrontée à de nombreuses « dents creuses » et autres logements insalubre ayant un impact sur la sécurité.

Un programme de l’Etat et la ville prévoyant la démolition de 1.200 logements et la construction de 2.400 nouveaux a été annoncé aux Abymes, juste à côté. Le budget est conséquent: 445 millions d’euros, dont plus de 200 financés par l’État.

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