L’Inde mène la barque dans les négociations sur la pêche à l’OMC

Genève, 23 fév 2024 (AFP) – Un accord sur la pêche pourrait être conclu lors la 13e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce du 26 au 29 février à Abou Dhabi, afin de lutter contre les subventions contribuant à la surcapacité et à la surpêche.

Les discussions à Genève ces derniers mois ont permis de faire avancer le projet de texte, mais c’est surtout l’Inde, régulièrement qualifié d' »élément perturbateur » lors des négociations commerciales, qui mène la barque, souligne l’économiste Christine McDaniel, qui dirige l’initiative Future Fisheries Management au sein du Mercatus Center de l’Université George Mason aux Etats-Unis, auprès de l’AFP.

QUESTION : Qui sont les principaux pays qui subventionnent la pêche ?

REPONSE : « Des études récentes montrent que les cinq principaux subventionneurs sont la Chine, l’Union européenne, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon. Ensemble, ils représentent 58% du total des subventions mondiales.

Elles montrent aussi qu’environ deux tiers des subventions chinoises sont destinées au renforcement des capacités (construction de navires plus gros et d’outils permettant de racler les fonds marins).

Le texte constitue un grand pas dans la bonne direction. Je tire mon chapeau aux membres de l’OMC pour en être arrivés là. Mais les efforts récents de l’Inde et d’autres pays pour l’édulcorer menacent de compromettre l’efficacité de l’accord.

Si les pays en développement, comme l’Inde, étaient exemptés de suivre les règles de l’accord pendant 25 ans, cela nuirait à l’efficacité de l’ensemble de l’accord. »

Q : Pourquoi l’Inde demande une longue période transition ?

R : « En matière de négociations commerciales l’Inde est souvent considéré comme un élément perturbateur.

Il n’est pas clair s’ils ne veulent vraiment pas conclure cet accord ou s’ils essaient simplement d’obtenir une monnaie d’échange pour négocier dans d’autres domaines. C’est une tactique de négociation courante, et l’Inde y a déjà eu recours. Mais c’est regrettable car ils peuvent se montrer assez obstructionnistes.

L’Inde se dit victime de la surpêche pratiquée par de grands navires étrangers subventionnés, par exemple chinois, pêchant dans leurs eaux ou aux alentours. Ce qui laisserait penser que l’Inde a en réalité beaucoup à gagner de cet accord.

Des recherches récentes menées par deux éminents économistes indiens démontrent, à l’aide de données et de preuves solides, que les pêcheurs indiens souffrent d’une surpêche subventionnée par de grands navires étrangers.

Les petits pêcheurs indiens et les communautés côtières locales sont particulièrement touchés par cette activité de surpêche, qui a entraîné une baisse des captures pour la population locale.

Par ailleurs, de nombreux pays des Caraïbes ont dit ne pas vouloir d’une longue période de transition. Si l’Inde veut vraiment être un leader des pays du Sud, elle devrait saisir cette excellente opportunité de défendre les nations côtières qui sont des pays en développement victimes des grandes flottes étrangères. »

Q : Sans sanction comment appliquer un accord ?

R : « Signer l’accord est une chose, mais son véritable succès – ou son échec – dépendra de sa mise en oeuvre. Toutes nos recherches montrent que la transparence sera essentielle pour garantir une mise en oeuvre efficace de cet accord.

Les pêcheurs ont besoin d’informations aisément accessibles sur les stocks de poissons qui sont surexploités et sur ceux qui ne le sont pas.

Les pays côtiers doivent faire preuve de transparence sur leurs activités de surpêche. Et les citoyens méritent que leurs gouvernements fassent preuve de transparence sur les accords d’accès (à leurs eaux ndlr) qu’ils signent avec des bâteaux de pêche étrangers.

Il existe un large consensus au sein des chercheurs et des experts sur le besoin d’automatiser la transparence, car un système de déclarations volontaires ne fonctionnent pas. Au contraire, c’est plutôt dissuasif. Il n’y a pas de mesures incitatives pour garantir que les pays fassent des déclarations volontaires.

Pensez par exemple Interpol. Interpol ou quelque chose de similaire; cela pourrait être un système de données mondial auquel tous les pays participants pourraient accéder et qui permettrait de voir les signalements des navires de pêche. Ce serait un rôle trop difficile à jouer pour l’OMC mais l’OMC pourrait inscrire dans l’accord que la transparence est une exigence et laisser ensuite aux pays le soin de trouver la bonne manière de procéder. »

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