Des drapeaux « Vote leave » (« Votez pour sortir » de l’UE) ont été accrochés comme des étendards sur des bateaux de pêche de Newlyn, le plus gros port des Cornouailles.
« Je voterai pour quitter » l’Union européenne, dit à l’AFP Pete Downing après une pêche au maquereau dont il est revenu bredouille. L’UE, lâche-t-il, « c’est juste un incroyable bordel, et ça l’a toujours été ».
A l’instar de nombreux pêcheurs, Pete met en partie sur le dos des quotas fixés par l’UE le déclin du secteur, quand il ne peste pas contre la concurrence des bateaux français et espagnols évoluant dans les eaux britanniques.
Les Cornouailles ont beau avoir reçu 654 millions d’euros de l’UE entre 2007 et 2013, Bruxelles peinerait presque à trouver des soutiens dans cette région de 500.000 habitants dont cinq des six députés sont pro-Brexit.
Selon une étude citée en juin par le groupe de réflexion Centre for European Reform, une majeure partie de la population locale (55%) souhaite rompre avec l’UE.
« Si nous quittons l’UE, nous n’aurons plus à payer » la contribution du Royaume-Uni, souligne Pete. « C’est idiot de donner de l’argent pour le récupérer ensuite (via des subventions) ».
Si le secteur de la pêche fait grise mine, il reste toujours un des gros employeurs de la région et contribue à entretenir l’identité farouchement indépendante de ses habitants, rarement à court d’arguments quand il s’agit de taper sur l’UE.
Felicity Edwards, 61 ans, employée dans la comptabilité, estime ainsi que l’argent versé par les institutions européennes n’a pas permis de créer les emplois pérennes « dont a besoin » la région pour compenser le ralentissement de la pêche et l’effondrement du secteur minier.
« Je me souviens d’un temps où les Cornouailles avaient des industries », dit-elle avec un brin de nostalgie, en espérant qu’un Brexit permettra de renouer avec ce glorieux passé.
-‘Plusieurs générations de pauvreté’-
Toby Parkins est loin de partager cette analyse. Ce patron d’une entreprise d’informatique, Headforwards, s’est installé dans une zone d’activités commerciales de Pool, un ancien centre névralgique de l’industrie minière. L’entreprise a bénéficié de fonds européens qui ont également financé une partie du réseau internet à haut débit des environs.
Ardent défenseur de l’UE, Toby Parkins loue les vertus du principe de libre circulation des travailleurs dans l’Union qui lui a permis de recruter dans des pays européens une quinzaine de ses 65 salariés.
Les subventions européennes, clame-t-il, nourrissent l’économie du « savoir ».
L’UE « veut essayer d’encourager des emplois avec des salaires plus élevés, améliorer la croissance », développe-t-il. « Mais tout le monde ne voit pas nécessairement les bénéfices qui en découlent. Leurs enfants peut-être le verront, ou leurs petits-enfants ».
D’autres dans les Cornouailles soulignent que Bruxelles a peut-être fait bien plus pour la région que le gouvernement britannique, et mettent en garde contre les conséquences d’une sortie du giron européen.
Un Brexit pourrait signifier « plusieurs générations de pauvreté » dans la région, explique Joanie Willett, maître de conférence à l’université Exeter.
« A moins que le sud-ouest ne deviennent incroyablement doué pour faire en sorte que le gouvernement britannique s’occupe de lui, il finira par devenir, et les Cornouailles en particulier, un arrière-pays rural où vous ne faites que passer pour les vacances », ajoute-t-elle.
Pas sûr que l’avertissement suffise, craint le directeur de la Chambre de commerce des Cornouailles, Kim Conchie, pro-UE.
« Les gens des Cornouailles sont des esprits indépendants et un peu anars qui se sont mis en tête qu’il fallait critiquer l’Union européenne ».