Alors que 250.000 personnes vivent dans ce territoire, la préfecture a comptabilisé respectivement 8.000 et 3.500 participants à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni, les deux plus grandes villes guyanaises.
« Je n’ai jamais vu autant de monde sortir dans la rue », a relevé un marcheur, alors qu’un autre confiait n’avoir « jamais vu une mobilisation d’un tel niveau ».
Dans Cayenne, l’avenue de Gaulle, qui mène au centre historique, était noire de monde à 10h00 (15h00 heure de Paris). Beaucoup de drapeaux guyanais étaient brandis, ainsi que des banderoles reprenant le slogan « nou bon ké sa » – « ça suffit » en créole guyanais – qui a fleuri ces derniers jours sur les nombreux barrages installés dans les villes du territoire.
« Nous voulons que l’Etat nous donne les moyens. Ca fait trop longtemps que ça dure, l’Etat doit reconnaître la population guyanaise », fait valoir une manifestante.
Après l’affluence décevante de lundi, premier jour de « grève générale illimitée », les manifestations de la « journée morte » relèvent du plébiscite pour l’Union des travailleurs guyanais (UTG), dont les 37 syndicats membres ont voté à la quasi-unanimité en faveur de l’arrêt du travail.
Le collectif des protestataires « Pou La Gwiyann dékolé » (« pour que la Guyane décolle », qui regroupe autant des collectifs contre la délinquance et pour l’amélioration de l’offre de soins, que l’UTG ou les avocats guyanais) s’en trouve renforcé alors qu’il n’est toujours pas disposé à rencontrer la délégation interministérielle arrivée samedi.
« On attend la ministre » des Outre-mer, Ericka Bareigts, a indiqué à l’AFP lundi soir, Jean-Hubert François, président du syndicat des jeunes agriculteurs.
« Nous souhaitons que les discussions déjà ouvertes se poursuivent, s’amplifient et s’intensifient dans les jours qui viennent » « afin de parvenir à des solutions rapides, concrètes et durables pour la Guyane », ont réaffirmé le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, et la ministre des Outre-mer, dans un communiqué commun.
– ‘Dialogue’ –
L’ancienne garde des Sceaux, la Guyanaise Christiane Taubira, a appelé au « dialogue » avec une « plus grande implication des élus locaux », « sinon le blocage va durer ». L’exécutif socialiste a « incontestablement » agi en augmentant notamment les forces de police et de gendarmerie, a-t-elle relevé.
Une délégation ministérielle doit arriver en Guyane « avant la fin de la semaine », « si toutefois les conditions du respect (…) et de l’ordre républicain sont réunies », a indiqué lundi Bernard Cazeneuve.
Le Premier ministre a par ailleurs eu quelques heures plus tard l’évêque de Guyane, Emmanuel Lafont, au téléphone pour « lui faire passer des messages d’apaisement », à savoir « favoriser le dialogue et contribuer à apaiser la situation sur place », a-t-on appris à Matignon.
« On ne dialogue pas en cagoule. On dialogue le visage découvert », a de son côté souligné Matthias Fekl, en référence à un groupe baptisé « Les 500 frères », créé récemment par des citoyens pour lutter contre « l’insécurité » en Guyane, et qui manifeste toujours cagoulé.
Une mission de hauts fonctionnaires, envoyée par Paris, s’active depuis samedi en Guyane. Alors que le préfet Jean-François Cordet, qui la pilote, a fait état de « premiers résultats » obtenus depuis samedi, tels que « la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne » ou une enveloppe de « 60 millions d’euros supplémentaires » pour le très endetté hôpital de Cayenne, un porte-parole des grévistes a réclamé « un plan de développement et pas des mesurettes ».
Il y a « un vrai stress sur l’insécurité. Viennent ensuite la santé et l’éducation », a confié à l’AFP Michel Yahiel, ancien « conseiller social » de François Hollande et membre de la délégation.
Le Défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait formulé en février de nombreuses recommandations pour améliorer l’accès aux droits et aux services publics en Guyane, s’est dit « particulièrement inquiet », dans un communiqué.
La situation en Guyane a trouvé un écho dans la campagne présidentielle, à quatre semaines du premier tour. « Il faut aller encore plus vite pour aller à la rencontre des Guyanais », a tonné le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), sur Franceinfo.