Mistral: la décision de Paris ne devrait pas avoir de conséquences sur les ventes françaises d’armements

– Une rupture de contrat est-elle sérieusement envisageable ?

Ni la France, ni la Russie n’ont intérêt à faire capoter la transaction. D’un côté, la parole de la France et sa capacité à honorer ses engagements commerciaux sont en jeu. De l’autre, la Russie n’a pas les moyens de développer à courte échéance par ses propres moyens de tels vaisseaux. Acquérir ces navires de guerre, c’est aussi pour la Russie la possibilité à l’avenir de les copier. Sur le plan pratique, des centaines de marins russes s’entraînent actuellement à Saint-Nazaire au maniement du premier des deux navires de guerre commandés, baptisé « Vladivostok ». Et que ferait la France de ces bâtiments de projection et de combat aux couleurs russes dont le contrat a été estimé à 1,2 milliard d’euros?

– Pourquoi la décision de suspendre la livraison est-elle tombée cette semaine alors que le débat fait rage depuis des mois?

La France se devait de faire une annonce avant le sommet de l’OTAN et d’endosser une position de fermeté pour satisfaire ses partenaires alliés. Le cas échéant, elle prenait le risque que cette question devienne un point essentiel de l’agenda de l’OTAN et d’annoncer au terme du sommet, sous la contrainte, la suspension du contrat. La pression sur Paris a également été accentuée du fait que la Russie est accusée par les Occidentaux d’être désormais directement impliquée militairement en Ukraine, même si Moscou dément.

– Suspendre la livraison du Mistral peut-elle troubler les négociations avec l’Inde sur l’achat de l’avion de combat Rafale de Dassault?

A priori non. Le message de la France est négatif. Mais l’Inde n’est plus alignée sur la Russie. Le contrat portant sur l’achat de 126 Rafale prévoit en outre un grand transfert de technologies et de savoir-faire aux Indiens. Si les 18 premiers exemplaires doivent être construits en France, les suivants seront fabriqués en Inde. Et ce pays n’a pas de véritable alternative au Rafale. Son concurrent l’Eurofighter avait obtenu de mauvaises notes lors de l’appel d’offres en raison de capacités insuffisantes à opérer dans les hauteurs de l’Himalaya, frontière avec la Chine. L’Inde a enfin un besoin urgent de ces avions de chasse.

– Y a-t-il des précédents?

Les contrats d’armements ne sont pas des contrats commerciaux classiques, puisqu’ils intègrent précisément une dimension politique et diplomatique très importante. Par le passé, le Général de Gaulle avait décrété un embargo sur les ventes d’armes à Israël le 3 juin 1967 après la Guerre des Six Jours. Cinq vedettes lance-missiles, alors gardées dans le port de Cherbourg en attente de livraison, avaient finalement été récupérées clandestinement par Israël.

En octobre 1990, la vente de 28 chasseurs F16-A dont l’achat avait déjà été réglé par le Pakistan avait été annulée après un vote du Congrès américain.

Plus récemment, en septembre 2013, la Russie avait suspendu ses livraisons de ses systèmes de missiles S-300 à la Syrie.

dt-dlm/cb/az

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