Question: quel sera l’impact d’un mois sans pêche pour les mareyeurs?
Réponse: Cette fermeture va concerner au moins 450 bateaux en France, ce qui va se traduire par 8.000 tonnes de produits de la mer en moins et représenter une perte de 60 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le mareyage.
Pour des espèces comme le merlu, c’est 2.800 tonnes en moins qui vont arriver en criée, soit 35% de ce qui est débarqué à l’année. Pour le maquereau, ce sera 1.600 tonnes en moins, soit 20% des débarques annuelles. En cette saison, le golfe de Gascogne, c’est aussi de la sole, du bar etc.
Cela va avoir un impact énorme sur l’ensemble de la filière, du pêcheur à l’étal du poissonnier. Pour le mareyage, qui est un maillon essentiel de la filière, c’est une catastrophe. Aujourd’hui, c’est un appel au secours qu’on lance.
Q: En quoi le mareyage est-il plus particulièrement menacé?
R: Le mareyage, c’est l’acteur commercial et industriel qui se situe entre les bateaux et les distributeurs, industriels, poissonneries et restaurateurs. Son rôle au quotidien est de transformer le produit en fonction du cahier des charges de ses clients: lavage, découpe, mise en chambre froide, préparation en barquettes…
Sur 200.000 tonnes de produits de la pêche débarqués en criée chaque année en France, le mareyage en achète 160.000. Nous sommes présents sur tout le littoral, avec 10.000 salariés dans 450 entreprises pour 3,5 milliards de chiffre d’affaires.
Une rupture d’approvisionnement va désorganiser tout le flux logistique en place, notamment les transporteurs. Un poisson pêché un lundi doit être le mardi dans l’assiette.
C’est le volume qui structure la filière pêche. Sans volume, le mareyage, qui valorise la production française, ne sera plus une place forte, dans un secteur déjà bien fragilisé.
Q: Etes-vous rassuré par l’annonce d’indemnisations et dispositifs de chômage partiel par le gouvernement?
R: Le chômage partiel est indispensable: nous ne pouvons pas fermer. Les petits bateaux de moins de 8 mètres continueront à sortir et d’autres amèneront du poisson de zones non fermées à la pêche. Donc même avec de gros volumes en moins, on doit rester en activité.
Nous sommes rassurés de voir validé le principe d’une indemnisation. Mais elle reste soumise à la notification à la Commission européenne, qui a deux mois pour répondre. Nous demandons une indemnisation de notre perte de rentabilité – basée sur les pertes d’excédent brut d’exploitation.
Si nous sommes si inquiets, c’est que le mareyage a déjà encaissé une succession de crises: le Brexit, la crise sanitaire, la hausse des coûts de l’énergie et la baisse drastique de certains quotas de pêche (sole, lieu jaune…). cette fermeture d’un mois, qui sera renouvelée pendant trois ans, c’est le coup de grâce.
Déjà, après le Brexit et l’envoi à la casse d’une quarantaine de navires en Bretagne – sur les 86 détruits in fine en France -, on a subi des conséquences dramatiques: les criées de Cornouaille ont perdu près de 15% des apports en 2023. A Lorient, on atteint 20%.
On a déjà plusieurs entreprises qui ont dû réduire leur activité. Si ça baisse encore, beaucoup ne pourront pas résister et vont fermer.
Propos recueillis par Sofia BOUDERBALA