Naufrage du Breiz: l’armateur mis en difficulté au premier jour de procès

Le Havre, 2 avr 2024 (AFP) – Le procès de cinq personnes, dont un capitaine de la SNSM, jugées pour homicide involontaire et négligence dans le naufrage mortel du chalutier Breiz en 2021 s’est ouvert mardi au Havre, où l’armateur du chalutier a été mis en difficulté.

Interrogé en toute fin de journée après trois autres prévenus qui ont maintenu leur ligne de défense, le co-armateur du navire a été placé face à ses contradictions.

« Je n’avais pas une confiance absolue dans ce bateau », a fini par lâcher cet ancien agriculteur reconverti en armateur en 2013, « mais je m’occupais plus de rien, je faisais confiance à Quentin ».

Le 14 janvier 2021, Quentin Varin, le patron du Breiz, avait appelé les secours pour une avarie de barre lors d’une pêche à la coquille Saint-Jacques au large de Port-en-Bessin (Calvados).

Remorqué par un canot de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Ouistreham, le navire avait fait naufrage en pleine nuit pendant l’opération, entraînant la mort du patron et de ses deux matelots, les frères Jimmy et Steven Gibert, âgés de 19 et 26 ans.

« Vous savez qu’en tant qu’armateur, vous avez des responsabilités », a lancé le président à l’armateur.

La larme à l’oeil, le propriétaire du Breiz, qui avait cédé 49% des parts à Quentin Varin quelques semaines avant la tragédie, savait que le nouveau patron n’avait pas les diplômes nécessaires pour diriger un coquillier.

Et il avait conscience de l’état de délabrement de son bateau: « J’ai eu beaucoup d’avaries en six ans, l’hélice, le portique, des fuites sur le pont, un feu moteur… »

Collaborateur d’une poissonnerie à Courseulles-sur-mer (Calvados), l’armateur a invoqué « une rentabilité à zéro en-dessous de 1,2 tonne » par marée pour expliquer la surcharge chronique de son chalutier et les sorties effectuées par gros temps.

« Il a coulé en quelques secondes », avait relevé plus tôt le directeur d’enquête, de la brigade de surveillance du littoral de Biéville-Beuville (Calvados).

– Prisonniers –

Selon lui, M. Varin, 27 ans, avait été enregistré indûment par les autorités comme capitaine du bateau de pêche sans avoir le diplôme requis. Les auditions mardi des deux fonctionnaires de la Direction départementale des territoires et de la Mer (DDTM), eux aussi sur le banc des prévenus, n’ont pas permis de savoir pourquoi il avait malgré tout été enregistré.

Le navire « vétuste », qualifié de « cercueil » par certains marins, était « en surcharge avant même de commencer la pêche », selon le directeur d’enquête.

Il a aussi incriminé l’action de la SNSM lors du remorquage fatal: l’absence de veille par les équipiers du canot SNSM dont « cinq étaient malades, et trois dormaient », provoquant un délai de 46 secondes entre l’alerte du remorqué et la réaction du remorqueur, suffisant pour laisser couler ce dernier « en une minute ».

Il a enfin mis en cause une vitesse trop élevée lors du sauvetage et un itinéraire « dangereux » au-dessus de hauts fonds.

Le Breiz avait été remorqué pendant deux heures avant que Quentin Varin ne crie « débraye, débraye, débraye ! » à la radio peu avant minuit.

Quatre minutes plus tard, le Breiz avait coulé, emmenant avec lui Quentin Varin et ses deux matelots, prisonniers du poste de pilotage à quelques milles au large de Lion-sur-mer.

Le capitaine du canot de la SNSM, le seul jugé pour négligence, sera interrogé jeudi.

L’expert maritime, et dernier prévenu, est resté sur sa ligne de défense en expliquant avoir rédigé un rapport d’assurance qui n’augurait en rien de la « navigabilité du bateau, mais seulement de son prix au marché ».

Pleine à craquer, la salle d’audience n’a pu accueillir l’ensemble du public venu assister à l’ouverture de ce procès, qui a provoqué une vague d’émotion dans la milieu de la pêche et parmi les 9.000 bénévoles de la SNSM.

Le procès est prévu pour durer jusqu’à vendredi.

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