Les jambes enfoncées jusqu’aux genoux dans la « ñanga » (zone marécageuse), se frayant un passage au milieu d’un entrelacs de racines, Elena Martinez, 40 ans, dit avoir appris à « concher » à l’âge de 10 ans.
C’est à Estero Aserradores, dans la municipalité d’El Viejo, à plus de 135 kilomètres de Managua, que ce groupe de huit femmes affronte la dureté de ce labeur qui contribue à la subsistance de la famille. Car la pêche pratiquée par les hommes « ne suffit pas », explique à l’AFP Elena Martinez.
Trois jours par semaine, elles quittent leurs maisons à l’aube pour rallier à la rame la mangrove distante de deux kilomètres environ et ramasser les « conchas negras » jusqu’à midi.
Ces mollusques de l’espèce « Anadara tuberculosa », qu’on ne trouve qu’aux Amériques et souvent appelés « coques de la mangrove », sont servis dans certains restaurants et une croyance populaire abonde sur leurs supposées propriétés aphrodisiaques.
Juana Izquierdo, 50 ans, le visage durci par le soleil, raconte à l’AFP comment elle doit enfoncer ses bras profondément dans la « ñanga » pour trouver des coques, contrairement à l’époque où, enfant, elle apprenait à les ramasser presque en surface du sol marécageux. « J’avais 8 ans, et ils n’étaient pas en profondeurs », se souvient-elle.
Maintenant, les deux femmes replacent les plus petits coquillages dans la vase pour « protéger et sauver notre mangrove » et ne conservent que les plus gros qui se vendent 30 cordobas (environ 80 centimes d’euros) la douzaine.
Cela suffit à préparer un copieux plat de chair de coques crues marinées au citron vert et accompagnées de tomates et oignons coupés en dés avec des aromates.
– « On plante, on reboise » –
Elena Martinez explique que les femmes ramasseuses de « conchas negras », une centaine à El Viejo, ne se contentent pas de chercher profondément dans la vase pour extraire les coquillages, mais qu’elles prennent soin de la mangrove afin que le cycle biologique soit maintenu pour ne pas épuiser la ressource.
Outre des mollusques, les forêts de mangrove abritent une grande biodiversité avec de nombreuses espèces d’insectes, d’oiseaux, de poissons ou de crustacés. Elles offrent aussi une protection naturelle contre les vents violents et les turbulences maritimes.
« En grandissant, j’ai pu comprendre à quel point il était important de bien ramasser les coquillages, car avant nous n’y accordions pas de valeur: nous en prenions la plus grande quantité possible, sans penser que peut-être, un jour, il n’y en aurait plus et qu’on ne pourrait plus subvenir aux besoins de nos enfants », concède la mère de trois garçons d’une vingtaine d’années qui se consacrent à la pêche.
« Aujourd’hui plus qu’avant on protège la mangrove, on ne déboise pas, on plante, on reboise… toujours pour notre bien, celui de nos enfants et du reste de la population », précise-t-elle.