Nick Sloane, spécialiste mondial du renflouement, joue sa réputation avec le Concordia

Le commandant Sloane, un Sud-Africain 52 ans, le reconnaît: le « parbuckling » (rotation) du paquebot, dont le naufrage, le 13 janvier 2012, avait fait 32 morts sur les 4.229 personnes à bord, fut son « plus grand défi ». Cette opération technique sans précédent avait été menée en septembre.

Jamais il n’avait eu à sauver pareil géant des mers. Le Concordia est long de près de 300 mètres, soit environ trois terrains de foot et sa hauteur équivaut à celle d’un immeuble d’une dizaine d’étages, avait-il rappelé en septembre avant l’opération.

Voix douce, silhouette trapue, Nick Sloane, peu à l’aise en public mais charmant en petit comité devant un verre de Chianti dont il est friand, est de ces marins au long cours qui parlent peu mais de façon efficace. Il a une tendresse particulière pour le Concordia et sur le chantier, il arbore un polo frappé de sa devise: « détermination et amour ».

Né le 5 juillet 1961 en Zambie, reçu capitaine de Marine en 1989, il se spécialise très vite dans le sauvetage des navires, et c’est ainsi que depuis près de trente ans, il est reconnu comme un expert mondial dans ce domaine.

Pakistan, Arabie saoudite, Yémen, Emirats arabes unis, Etats-Unis, Australie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Brésil, Mexique, Hong Kong… Nick Sloane a endossé son costume d’aventurier-sauveteur sur toutes les mers du globe.

« Exposé à de nombreuses reprises à des pressions aussi bien politiques qu’environnementales » – c’est ce que précise sa biographie -, il passe du sauvetage d’un navire incendié par des pirates dans le golfe d’Aden au chantier d’une plate-forme pétrolière au large des côtes mexicaines.

Parmi ses faits d’armes, figure également son intervention sur des oléoducs et des infrastructures pétrolières endommagés en Afghanistan et en Irak après les interventions militaires américaines de 2002 et 2003.

Depuis 2011, il possède sa propre société, la Sloane Maritime Ltd, dont le siège est à l’île Maurice. Spécialisée dans la gestion de crises navales, elle s’occupe également de consulting dans le secteur pétrolier.

Le chantier du Concordia constitue donc non seulement un enjeu énorme pour sa réputation personnelle en tant que « senior salvage master » mais également un risque financier d’envergure pour sa toute jeune entreprise. Le montant de son contrat est inconnu mais l’opération totale de redressement puis de renflouement coûte 1,1 milliard d’euros.

A quelques jours de ce fabuleux projet, ce père de trois enfants, marié depuis 24 ans, s’était dit « optimiste, vraiment optimiste ».

Et pourtant, les choses n’ont pas été faciles dans ce « Parbuckling Project », que l’on peut suivre sur internet (@InfoParbuckling et www.theparbucklingproject).

Ainsi, durant l’hiver 2012, Sloane et ses équipes avaient dû affronter le climat spécifique de cette partie de la côte toscane qui avait engendré de nombreux retards.

Autre grosse difficulté désormais surmontée: le sol granitique très dur avait rendu difficile le forage et la mise en place d’énormes plateformes sur lesquelles repose désormais une partie de la quille du navire une fois redressé.

« On nous a posé beaucoup de questions à l’époque, du type +Etes-vous certain que ça va marcher ? C’est complètement dingue !+ », se souvenait-il cet automne.

A la tête d’une équipe « multiculturelle » de 500 personnes de près de 30 nationalités dont il a loué la « cohésion » , il avait alors confié, avec un flegme de golfeur — son sport favori avec la voile – que lui et ses hommes étaient « excités » et « avaient hâte que l’opération commence ».

Si le projet va à son terme, Sloane avait confié à l’AFP vouloir fêter l’évènement en allumant un cigare: « je m’imagine en train de le fumer sur le pont du Concordia pendant qu’il est remorqué au loin ».

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