Nouvelle-Calédonie: le camp non-indépendantiste étale ses divisions

Paris, 21 mai 2024 (AFP) – La Nouvelle-Calédonie devait être l’exemple d’un processus inédit de décolonisation négocié avec l’Etat français. Après huit jours de violence dans l’île, l’espoir demeure, mais les divisions du camp des non-indépendantistes s’étalent au grand jour, compliquant la tâche de l’exécutif.

En rompant le silence pour demander une pause dans la réforme électorale qui a mis le feu aux poudres, la maire de Nouméa Sonia Lagarde a aussi brisé l’unité apparente du camp des loyalistes, partisans du maintien de l’île dans le giron français.

« Il ne faut pas que le président de la République convoque le Congrès à Versailles. Pas maintenant », a déclaré au quotidien Le Monde, Mme Lagarde, 75 ans, édile depuis 2014.

Soutien macroniste des tout débuts mais en désaccord depuis des mois avec la méthode présidentielle, Sonia Lagarde ne s’était plus exprimée sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie depuis sa réélection en 2020.

– « Cauchemar » –

« Désabusée, en colère et triste » face aux dévastations dans sa ville, la plus touchée par les émeutes, et « tout le travail avec la jeunesse anéanti », elle a insisté : « Donnons-nous un peu de temps ».

A 17.000 kilomètres de l’Hexagone, la Nouvelle-Calédonie et ses quelque 270.000 habitants vivent depuis le 13 mai dans un climat insurrectionnel causé par une réforme électorale rejetée par les indépendantistes.

Le texte, adopté au Sénat puis à l’Assemblée nationale malgré des mois de contestation pacifique, doit permettre à 25.000 personnes pouvant justifier de dix ans de résidence continue d’intégrer les listes électorales.

Les émeutes ont fait six morts, dont deux gendarmes, d’importants dégâts et bloquent toujours le principal aéroport de l’île, déjà secouée par les difficultés des secteurs économiques clés, le BTP et le nickel.

« Il est temps de constituer la +mission de dialogue+ et de reporter la réforme constitutionnelle pour rétablir la paix dans notre pays », a également plaidé le principal parti non indépendantiste, Calédonie Ensemble, dans un communiqué quelques heures avant l’annonce du départ dès ce mardi soir du chef de l’Etat pour installer cette mission.

Calédonie Ensemble n’a pas hésité à appeler à un « sursaut de lucidité collectif » pour « sortir de ce cauchemar ».

– Capital de neutralité –

Mais comment renouer les fils du dialogue quand, à l’opposé, les élus non-indépendantistes sur lesquels la majorité présidentielle s’est appuyée enjoignent, ces dernières heures encore, de ne pas céder à la pression et de ne surtout pas différer la réforme.

« Ce ne serait pas un bon signal », a critiqué sur BFM l’ancienne secrétaire d’Etat et cheffe de file de la branche droitière et radicale des loyalistes, Sonia Backès, 48 ans, qu’Emmanuel Macron avait fait entrer dans le gouvernement en 2022 au risque d’éroder le capital de neutralité gagné par l’Etat depuis les accords de Nouméa de 1998 et d’apparaître partial.

« Ce serait leur donner victoire », a-t-elle ajouté à propos des émeutiers qu’elle a carrément qualifiés de « terroristes » sur CNews car « ils tirent à balles réelles » et n’ont « pas peur de tirer sur les forces de l’ordre ».

« Dire et annoncer qu’on retire le texte, ce serait donner raison à ceux qui ont décidé d’agir, non pas par la voie du dialogue, mais pas la voie de la force (…) Peut-être qu’on gagnerait quelques semaines de tranquillité mais dès qu’il y aurait un désaccord, ils reprendraient les émeutes », a-t-elle mis en garde.

En septembre, Mme Backès avait été battue par l’indépendantiste kanak Robert Xowie aux sénatoriales et obligée de quitter le gouvernement.

« Ceux qui, aujourd’hui, au niveau local, comme au niveau national demandent, exigent, souhaitent le retrait du texte ou sa suspension donnent raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a lui aussi tancé le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf, 36 ans.

Membre de la majorité, il a pu rentrer en Nouvelle-Calédonie dimanche grâce à un vol militaire. Le fait que ce porte-voix du camp loyaliste ait été choisi comme rapporteur du projet de loi constitutionnelle est contesté par nombre d’acteurs calédoniens.

Depuis plusieurs jours, M. Metzdorf rejette tout dialogue avec le collectif indépendantiste qui a organisé la contestation ces derniers mois. « Je suis de la 7e génération et on me traite de +sale blanc, retourne chez toi!+ », dit-il, dans une rhétorique rappelant la guerre d’Algérie.

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