D’emblée, la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, s’est dite « prudemment optimiste » et a affiché des ambitions mesurées. Elle estime que si l’organe de décision suprême de l’OMC arrive à tomber d’accord sur au moins « un ou deux » sujets, « ce sera un succès ».
Le chemin « sera chaotique et il y aura peut-être quelques mines le long de la route, il nous faudra les éviter « , a déclaré Mme Ngozi.
L’OMC fonctionnant par consensus, il suffit de l’opposition d’un seul membre pour tout faire capoter.
L’organisation a perdu en pertinence faute de pouvoir conclure des accords majeurs, le dernier remontant à 2013.
Il n’y a aucune garantie de résultats importants à Genève malgré les efforts vigoureux déployés par Mme Okonjo-Iweala, aux commandes depuis un peu plus d’un an.
– Crise alimentaire –
On attend notamment de cette réunion qu’elle aide à trouver une solution face au risque de grave crise alimentaire que fait planer sur le monde entier l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Un projet de déclaration ministérielle promet « de prendre des mesures concrètes pour faciliter le commerce et améliorer le fonctionnement et la résilience durable des marchés pour l’alimentation et l’agriculture, y compris les céréales et les engrais ».
Le texte promet de porter une attention particulière aux pays les plus démunis. Les responsables internationaux n’ont pas oublié les émeutes de la faim et le Printemps arabe il y a une dizaine d’années.
Juste avant le début officiel, le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, a organisé une réunion de solidarité avec l’Ukraine en présence du représentant ukrainien du Commerce, Taras Kachka.
Plus de 50 pays doivent signer une déclaration en solidarité avec Kiev et pour dénoncer « une agression barbare et illégale » de la Russie.
Il s’agit aussi d’éviter que la guerre ne prenne toute la place et réduise à néant les intenses préparatifs à la conférence. D’autant que Moscou peut, à lui seul, tout bloquer.
Cela n’a pas empêché pour l’instant les négociations même si l’Union européenne ou les Etats-Unis refusent de parler directement à la Russie.
Mais « le risque est réel que les choses déraillent », affirme une source diplomatique genevoise.
– Pêche miraculeuse ? –
La pêche reste le dossier phare. Le texte, qui s’inscrit dans les objectifs du millénaire de l’ONU, doit en particulier supprimer les subventions qui peuvent encourager la surpêche ou les prélèvements illégaux.
Des progrès ont été faits ces derniers mois sur des contentieux qui paraissaient jusque-là insurmontables. L’idée que les querelles d’appartenance territoriale – nombreuses et ultra-sensibles – se traitent à l’OMC est écartée.
Des progrès ont aussi été faits pour définir le mécanisme de traitement préférentiel réservé aux pays en développement, mais l’Inde réclame une période d’exemption de 25 ans. Trop long rétorquent de nombreux membres, qui visent plutôt 2030.
« Nos enfants nous pardonneront-ils si nous acceptons que nos océans soient vidés? », a lancé Mme Ngozi, alors que le succès de la réunion dépendra en bonne partie du sort de ce texte.
– Intransigeance indienne –
L’intransigeance indienne, soulignée par de nombreux diplomates, pourrait faire capoter d’autres dossiers.
« Il n’y a pas un seul sujet que l’Inde ne bloque pas. C’est assez inquiétant », déplore un ambassadeur basé à Genève, citant notamment la réforme de l’OMC et l’agriculture.
« On voit que l’Inde veut peser davantage dans les organisations internationales, en commençant par l’OMC. Elle est en mesure de gripper la finalisation des négociations », analyse Elvire Fabry, chercheuse en charge de la politique commerciale à l’Institut européen Jacques Delors.
Les ministres sont également attendus sur la pandémie, avec deux textes en discussion.
L’un doit faciliter la circulation des ingrédients nécessaires à la lutte contre l’actuelle et les futures pandémies, l’autre doit permettre une levée temporaire des brevets des vaccins anti-Covid.
Ce dernier sujet divise, l’industrie pharmaceutique y voyant un affaiblissement de la propriété intellectuelle. Pour les ONG, le texte ne va pas assez loin pour être réellement efficace. Là aussi l’issue reste incertaine.