Jugeant les actions envisagées par la France « injustifiées », la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss a donné pour instruction à sa secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Wendy Morton, de « convoquer l’ambassadrice française », a annoncé un porte-parole du gouvernement britannique dans un communiqué.
« Nous répétons que le gouvernement a accordé 98% des demandes de licences de la part de navires de l’UE pour pêcher dans les eaux du Royaume-Uni et comme nous l’avons clairement indiqué, examinerons tout élément de preuve pour ceux qui restent », a ajouté la même source, citant de nouveau un chiffre contesté par la France, qui parle de 90%.
Le gouvernement de l’île anglo-normande de Jersey s’est aussi dit « extrêmement déçu » par les mesures annoncées mercredi par la France et qui s’appliqueront à partir du 2 novembre. Jersey a cependant annoncé la délivrance d’une vingtaine de nouvelles licences à des bateaux français, pour la plupart provisoires.
La France a promis d’interdire aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français, et de renforcer les contrôles douaniers de camions, si les pêcheurs français n’obtiennent pas d’ici mardi prochain plus de licences pour pêcher dans les eaux britanniques.
Les deux pays ont multiplié les déclarations plus ou moins apaisantes cette semaine.
La ministre britannique de l’Environnement George Eustice a appelé au « calme » et à la « désescalade », affirmant que la porte de son gouvernement « était toujours ouverte », tandis que le Premier ministre français Jean Castex s’est dit « ouvert aux discussions » à condition que Londres « respecte ses engagements ».
Mais Londres a aussi jugé les mesures françaises « disproportionnées » et prévenu qu’elles feraient l’objet « d’une réponse appropriée et calibrée ».
Le gouvernement britannique ne comprend que « le langage de la force », a rétorqué jeudi matin le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune, tandis que la ministre de la Mer Annick Girardin a évoqué « un combat » pour contraindre le Royaume-Uni à respecter ses engagements.
– Renforcement des contrôles –
L’accord post-Brexit, conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à certaines conditions.
Dans les zones encore disputées, Londres et Jersey ont accordé un peu plus de 210 licences définitives mais Paris en réclame encore plus de 200.
Le renforcement des contrôles des navires britanniques par les autorités françaises semble, lui, avoir déjà commencé avec la verbalisation dans la nuit de mercredi à jeudi de deux bateaux de pêche, bien que le ministère ait précisé qu’il s’agissait de contrôles saisonniers habituels.
L’un des deux navires « ne figurait pas sur les listes de licences accordées au Royaume-Uni » par la Commission européenne et la France, et a été dérouté jusqu’au port du Havre, selon le ministère.
– « Manoeuvre politique » –
Le propriétaire du chalutier écossais dérouté a estimé auprès de l’AFP qu’il s’agissait d’un « malentendu » et dénoncé une « manoeuvre politique ». Il risque une amende de 75.000 euros et des sanctions administratives, a annoncé le parquet jeudi.
Du côté français de la baie de Granville, les pêcheurs estiment au contraire que ces contrôles n’ont que trop tardé.
Depuis le Brexit, « il n’y avait aucun contrôle côté français. Moi, je suis contrôlé au moins une fois par mois quand je vais à Jersey », affirme Pascal Delacour, 52 ans, un patron-pêcheur de coquilles Saint-Jacques.
Pour Barrie Deas, de la fédération représentant les pêcheurs britanniques, la stratégie « oeil pour oeil, dent pour dent » ne servira à rien.
Peu de navires britanniques accostent dans les ports français tandis que les pêcheurs français sont très nombreux dans les eaux britanniques, a-t-il expliqué à la BBC, ajoutant qu’une escalade se ferait au détriment des Français.
Et notamment des mareyeurs français, ces professionnels qui achètent en gros le poisson débarqué et le préparent pour la distribution. Ils dépendent beaucoup des produits britanniques et ont pris position jeudi contre toute « mesure aussi simpliste que néfaste » qui les priverait de ces produits-là.
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