Le président français et le Premier ministre britannique doivent s’entretenir en marge du G20, à Rome, a indiqué vendredi Downing Street, à l’heure où les sujets de discorde s’accumulent entre les deux voisins, sur le sujet brûlant de la pêche mais aussi sur l’immigration illégale par la Manche ou les conséquences du Brexit en Irlande du Nord.
La France reproche au Royaume-Uni d’accorder en trop petit nombre des licences de pêche post-Brexit à ses pêcheurs. Elle a promis d’interdire dès mardi aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français et de renforcer les contrôles douaniers de camions, si la situation ne s’améliorait pas d’ici-là.
Loin de s’apaiser avant la rencontre au sommet de Rome, la tension est encore montée vendredi avec la menace de Londres de mettre en oeuvre des « contrôles rigoureux » sur les bateaux européens frayant dans ses eaux, si Paris met effectivement ses menaces à exécution, a annoncé vendredi un porte-parole du gouvernement britannique.
Ce dernier envisage en outre « de lancer une procédure de règlement des contentieux » prévue par l’accord commercial post-Brexit, entré en vigueur au début de l’année.
« Nous ferons le nécessaire pour défendre les intérêts britanniques », a déclaré Boris Johnson aux journalistes dans l’avion à destination de Rome. « La France est l’un de nos meilleurs, de nos plus vieux, de nos plus proches alliés, amis, partenaires » et « les liens qui nous unissent, qui nous lient, sont bien plus forts que les turbulences actuelles dans notre relation ».
A Londres, l’ambassadrice de France au Royaume-Uni, Catherine Colonna, a été convoquée vendredi, une démarche rarissime entre pays alliés. Elle est repartie sans un mot après seulement 20 minutes d’entretien au Foreign Office, où la secrétaire d’Etat Wendy Morton lui a « exprimé sa déception concernant le ton de confrontation employé de manière constante par le gouvernement français, qui ne rend pas la situation plus facile à résoudre », selon le compte rendu britannique.
– « Revenir à la raison » –
L’accord post-Brexit, conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à certaines conditions.
Londres affirme avoir accordé 98% des demandes de licences de navires de l’UE pour pêcher dans ses eaux, un chiffre contesté par la France, qui parle de 90%.
Dans les zones encore disputées en particulier, Londres et Jersey ont accordé un peu plus de 210 licences définitives mais Paris en réclame encore plus de 200.
Certains membres de l’UE semblent adopter une attitude prudente face à ce conflit, le gouvernement allemand appelant les deux parties à négocier.
Dans ce conflit sur la pêche, « les torts ne sont pas vraiment partagés », « la bonne foi n’est pas du côté britannique », a cependant estimé vendredi sur la radio Franceinfo Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur. « Il est temps peut-être que les autorités britanniques reviennent à la raison ».
En attendant un éventuel blocus des débarques anglaises dans ses ports mardi, la France a déjà commencé à renforcer les contrôles des navires britanniques.
Elle a dérouté mercredi un chalutier britannique soupçonné d’avoir pêché plus de deux tonnes de coquilles Saint-Jacques sans licence. Son capitaine, qui sera jugé en août prochain, encourt une peine d’amende pouvant atteindre 75.000 euros.
Les mesures de rétorsion envisagées par la France ne font toutefois pas l’unanimité: les mareyeurs français, qui préparent et écoulent les produits de la mer frais, ont mis en garde contre le blocage de l’exportation de produits de la pêche britannique, rappelant que le marché français était aussi dépendant de cette ressource.
Dans le port anglais de Newhaven (sud), les pêcheurs britanniques, eux, déplorent de faire les frais de la situation. Pour Neil Whitney, patron du « About Time », ce conflit autour des licences de pêche dans les eaux britanniques et anglo-normandes est « politique ».