Pêche post-Brexit: démonstration de force des pêcheurs français devant Jersey

Saint-Helier (Jersey), 6 mai 2021 (AFP) – Sous la surveillance de deux navires de la Royal Navy, des dizaines de bateaux de pêche français ont convergé jeudi matin devant le port de la capitale de l’île anglo-normande de Jersey, pour protester contre les conditions de pêche imposées aux marins français après le Brexit.

Entre 50 et 70 bateaux naviguaient depuis 07H00 dans le calme devant le port de Saint-Hélier, a constaté un photographe de l’AFP ayant embarqué dans la nuit sur un bateau normand. Quelques fumigènes ont été allumés en début de matinée.

A quelques miles de là, deux navires de la Royal Navy, le HMS Severn et le HMS Tamar, ont été déployés pour « surveiller la situation », selon un porte-parole du ministère de la Défense britannique, évoquant « une mesure strictement préventive en accord avec le gouvernement de Jersey ».

Ces « manoeuvres » britanniques « ne doivent pas nous impressionner », a déclaré à l’AFP le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune. Deux patrouilleurs français ont été envoyés non loin, selon les autorités maritimes françaises.

Les pêcheurs français sont eux partis dans la nuit depuis les côtes normandes et bretonnes. « C’est incroyable d’avoir réussi à réunir tout ce monde-là », s’est réjoui Camille Lécureuil, venu de Carteret (Manche), évoquant « au moins 70 bateaux » dont une quinzaine de Bretons.

« Un cargo, le Commodore Goodwill, veut sortir et tout le monde a l’air décidé à l’empêcher de sortir », a-t-il décrit.

« On ne bloque pas vraiment. On est tous à l’extérieur du port », a précisé Ludovic Lazaro, pêcheur de Granville (Manche). « Mais le capitaine du port de Jersey ne veut pas laisser sortir le cargo s’il y a du monde dans le coin. Il veut que tout le monde soit parti. »

Selon une source militaire française, « la situation est globalement très calme ». « Les consignes de ne pas bloquer l’intérieur du port sont suivies » pour l’instant par les pêcheurs français, a précisé cette source à l’AFP.

Les pêcheurs doivent regagner leur port d’attache en début d’après-midi.

« C’est un mouvement pacifique, il n’y a pas lieu que ça dégénère », a souligné M. Lécureuil. « Trois bateaux de pêche de Jersey sont venus nous soutenir », a-t-il ajouté.

– « Triste d’en arriver là » –

Mercredi, le président du comité régional des pêches de Normandie Dimitri Rogoff avait assuré qu’il ne s’agissait pas de bloquer Saint-Hélier mais de « marquer le coup ». « Il n’est pas question de passer à l’assaut (…) Le but du jeu c’est de se montrer, de faire voir que les pêcheurs sont déterminés, d’appuyer ce qui a été réclamé », a-t-il déclaré à l’AFP en évoquant les propos « assez virulents » de la ministre française de la Mer Annick Girardin.

Mardi, Mme Girardin, a affirmé que la France était prête à recourir à des « mesures de rétorsion » si les autorités britanniques continuaient à restreindre l’accès des pêcheurs français aux eaux de Jersey. Devant l’Assemblée nationale, elle a fait allusion à des répercussions éventuelles sur le « transport d’électricité par câble sous-marin » qui alimente l’île depuis la France.

Selon Paris, le Royaume-Uni a publié vendredi une liste de 41 navires français, sur 344 demandes, autorisés à pêcher dans les eaux de Jersey, mais cette liste s’accompagne de nouvelles exigences « qui n’ont pas été concertées, discutées ni notifiées avant » dans le cadre de l’accord sur le Brexit trouvé entre Londres et Bruxelles, en vigueur depuis le 1er janvier dernier.

Une délégation de pêcheurs français devait rencontrer un ministre de Jersey jeudi matin sur un bateau britannique devant le port de Saint-Hélier, a indiqué un pêcheur à l’AFP.

« Un bateau qui pêchait l’année dernière à Jersey (…) peut pêcher cette année », a assuré jeudi matin sur France Inter Gregory Guida, ministre assistant de l’Environnement et des Affaires étrangères de Jersey.

« Considérant les difficultés, ce que nous sommes prêts à faire, c’est discuter directement avec les pêcheurs. Ils ont tous notre numéro », a-t-il ajouté en fustigeant « une énorme bureaucratie ». Actuellement, les demandes de licences de pêche doivent passer par les gouvernements français et britannique et par la Commission européenne.

Dans l’émission Good morning Britain, sur la chaîne de télévision ITV, Don Thompson, président de l’Association des pêcheurs de Jersey, a reproché jeudi aux pêcheurs français de vouloir « pêcher sans contrainte dans nos eaux, tandis que nos bateaux sont soumis à toutes sortes de conditions sur la quantité (de poisson) qu’ils peuvent pêcher, là où ils le peuvent. »

Il serait « extrêmement injuste » que le gouvernement « capitule devant cela », a-t-il ajouté.

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