Pêche post-Brexit: Paris juge « inacceptables » les décisions britanniques

Paris, 29 sept 2021 (AFP) – Nouvel avis de tempête en Manche: la France a jugé mercredi « inacceptables » les décisions britanniques d’octroi de licences de pêche à des bateaux français, bien en-deça des exigences de Paris qui prépare sa riposte et en appelle à Bruxelles.

Dans la matinée, l’île anglo-normande de Jersey a annoncé l’octroi de 64 licences définitives à des bateaux français pour pêcher dans ses eaux et le rejet définitif de 75 dossiers. La veille, Londres avait accordé 12 autorisations supplémentaires dans ses eaux, dans la limite des 6 à 12 milles nautiques de ses côtes.

Des « décisions totalement inacceptables et inadmissibles », qui « contreviennent à l’accord qui a été signé dans le cadre du Brexit », a affirmé le gouvernement français par la voix de son porte-parole Gabriel Attal.

Après neuf mois d’intenses négociations post-Brexit, la patience des hommes de mer est à bout, et la confiance sérieusement érodée entre Londres et Paris.

La France assure comprendre « l’inquiétude » et « la colère » de ses pêcheurs, en appelle désormais à Bruxelles et promet d' »explorer aussi de possibles mesures de rétorsion qui pourraient être prises si l’accord venait à ne pas être respecté », a précisé M. Attal.

– « Prêts à l’assaut » –

« Il est évident que le compte n’y est pas », a réagi dans la matinée le président du comité national des pêches, Jean-Luc Hall, avant de gagner le ministère de la Mer, où une réunion se tient dans l’après-midi autour de la ministre Annick Girardin.

Très remonté, son collègue du comité des pêches de Normandie, Dimitri Rogoff, a averti que les pêcheurs étaient « prêts à aller à l’assaut de Saint-Hélier », capitale de Jersey.

L’accord post-Brexit, conclu in extremis à la fin de l’année dernière entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition d’obtenir une licence, accordée s’ils peuvent prouver qu’ils y pêchaient auparavant.

La question est particulièrement disputée à Jersey, île anglo-normande toute proche des côtes françaises. En mai dernier, une flottille de pêcheurs normands et bretons s’étaient massée devant le port de Saint-Hélier pour défendre son droit de continuer à pêcher dans ces eaux. Londres y avait envoyé deux patrouilleurs pendant quelques heures.

Le temps de mettre en oeuvre les mesures prévues par l’accord, le gouvernement de Jersey avait instauré un dispositif provisoire qui arrivait à son terme jeudi.

Selon le gouvernement de Jersey, 64 bateaux, qui ont fourni l’intégralité des pièces justificatives requises, se verront délivrer une licence définitive, s’ajoutant aux 47 licences déjà délivrées depuis le début de l’année.

Trente-et-un bateaux, qui devront fournir des éléments supplémentaires, se verront quant à eux délivrer une licence provisoire leur donnant jusqu’à la fin janvier 2022 pour apporter les pièces demandées.

Soixante-quinze bateaux ont été recalés, faute d’avoir pu apporter la preuve d’une « activité de pêche » dans ces eaux ces dernières années. Ils devront « cesser toute activité de pêche dans les eaux de Jersey dans un délai de 30 jours », période durant laquelle Jersey examinera « toute nouvelle pièce ou donnée présentée ».

– « Pragmatique et raisonnable » –

Le ministre des Affaires extérieures de l’île, Ian Gorst, a mis en avant l' »approche pragmatique, raisonnable et basée sur des éléments concrets » adoptée par Jersey « en prolongeant la période de transition à plusieurs reprises jusqu’à présent », alors que l’accord post-Brexit « ne l’imposait pas ».

Quant au gouvernement de Guernesey, qui n’avait pas fixé de date butoir et renouvelle de mois en mois ses licences provisoires, il a annoncé mercredi des décisions « courant octobre » pour certains dossiers. Et surtout, s’est engagé « à prolonger l’actuelle autorisation provisoire mensuelle jusqu’au 31 janvier 2022 pour tous les navires, afin d’offrir certitude et stabilité dans l’intervalle ».

Un pis-aller pour Paris qui avait demandé des « licences définitives » et qui assure avoir fourni tous les documents requis. « Après autant d’heures de discussion et de travail, on n’est plus dans la réponse technique, mais dans la question de la volonté politique et de la loyauté », estime-t-on au ministère de la Mer.

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