Le capitaine de l’Azura, un navire de croisière épinglé à Marseille fin mars avec du fioul trop polluant, a été condamné à 100.000 euros d’amende pour pollution de l’air.
Une partie de l’amende pénale qui lui a été infligée, à hauteur de 80.000 euros, devra être réglée par son employeur, Carnival, leader mondial du secteur de la croisière, précise le jugement du tribunal correctionnel de Marseille.
Cette condamnation est conforme aux réquisitions du parquet, à l’origine de ces poursuites.
Carnival, qui détient la marque P&O Cruises, « a souhaité économiser de l’argent au mépris des poumons de tout un chacun, dans un contexte de pollution majeure de l’air causée pour partie par les croisières » dans le premier port de France, avait accusé le procureur Franck Lagier à l’audience du 8 octobre.
Lors d’une escale, des inspecteurs avaient découvert à bord de ce géant des mers de 300 mètres de long, qui peut accueillir jusqu’à 3.100 passagers et 1.250 membres d’équipage, un fioul dépassant les valeurs limite en soufre, mais moins onéreux.
En embarquant à Barcelone 900 tonnes de ce fioul, avant de mettre le cap sur Marseille, l’Azura a économisé environ 21.000 euros, a calculé le procureur. Un chiffre qu’il invitait à multiplier par la centaine de navires de Carnival.
Le capitaine Evans Hoyt, un Américain de 58 ans qui ne s’est pas présenté à la barre, « savait pertinemment le caractère irrégulier du fioul », avait souligné le magistrat, et Carnival « n’a pas souhaité faire application de la norme légale ».
Le tribunal a rejeté toutes les nullités invoquées par la compagnie dont les avocats remettaient en cause la législation française et les normes antipollution décidées au niveau européen, qu’elle considérait comme trop floues.
– « Nuisances toujours plus importantes » –
« Le marché de la croisière est en pleine expansion, en particulier en Méditerranée, générant des nuisances toujours plus importantes », avait souligné le procureur. « Le respect des normes internationales, européennes et internes n’en est que plus impératif ».
Décidées sous l’impulsion de l’Europe en 2015, les normes ont été appliquées depuis de façons diverses selon le type de navire et selon les pays européens. Sur fond de concurrence acharnée pour accueillir les escales des géants des mers.
« Une compagnie de cette taille-là, gère tous ses achats de combustible à l’avance, avec un bureau entier dédié à ça » et ne pouvait pas ignorer les règles françaises, avait soutenu à l’audience Stéphan Rousseau, le fonctionnaire qui a mené l’enquête.
« On est tombés de nues » en découvrant cette fraude de l’Azura, alors « qu’il y a une réelle pression sur la problématique de la qualité de l’air » dans les ports méditerranéens fréquentés par les croisiéristes, qui y sont nécessairement sensibilisés. Mais « des sommes très conséquentes sont en jeu », lorsqu’un armateur fait le plein, avait-il souligné.
Les parties civiles, France Nature Environnement, Surfrider Foundation et la Ligue de protection des oiseaux ont obtenu chacune 5.000 euros de dommages et intérêts. Elles soulignaient que les émissions polluantes des navires de croisière pouvaient être 1.500 fois supérieures à celles des véhicules particuliers.
Cette situation pourrait bientôt s’améliorer : les valeurs limite de soufre pour la navigation vont être abaissées le 1er janvier 2020, divisées par trois pour les navires de croisière et par sept pour les autres, dans toutes les eaux françaises.
Bien loin toutefois des normes imposées dans les zones les plus protégées d’Europe, en mer Baltique ou en mer du Nord, où la limite est encore cinq fois plus basse.