L’Irlande, qui assure la présidence semestrielle de l’UE, avait proposé aux Etats de revoir leur position sur la réforme de la politique commune de la pêche (PCP), censée s’appliquer dès 2014, afin de répondre aux inquiétudes du Parlement sur cet épineux dossier et de parvenir à un accord global d’ici à la fin mai.
« Nous sommes tombés d’accord à une très large majorité », a déclaré le ministre irlandais de la Pêche, Simon Coveney, après des négociations marathon de 36 heures.
Le compromis de la présidence irlandaise a reçu le soutien de 26 Etats membres pourtant très divisés entre partisans de la protection des ressources halieutiques et défenseurs du secteur de la pêche, qui génère des dizaines de milliers d’emplois. Seule la Suède, attachée à la défense d’une stricte ligne environnementale, a refusé l’accord.
Concession aux défenseurs de l’environnement, le Conseil des ministres a accepté de revoir à la baisse la quantité de poissons pêchés pouvant être rejetés en mer: elle sera de 7% en 2014 pour atteindre 5% en phase finale, en 2019.
En février, les Etats s’étaient entendus, comme le souhaitaient Paris et Madrid, sur une interdiction dégressive des rejets allant de 9% à 7% entre 2014 et 2019. Le ministre français Frédéric Cuvillier a néanmoins salué dans un tweet « un texte équilibré » et son homologue espagnol Miguel Arias Canete est reparti « satisfait », selon une source espagnole.
Le Parlement défend lui une interdiction totale des rejets en mer des captures jugées non commercialisables car trop petites, abîmées ou hors quotas. Les rejets représentent jusqu’à 25% des prises de l’UE et les poissons rejetés en mer se survivent pas.
Une autre pierre d’achoppement portait sur l’objectif, défendu par la Commission européenne et le Parlement, de parvenir à 2015 à ne pêcher que le strict nécessaire pour ne pas menacer la reconstitution des stocks de poissons.
Si les Etats se sont rapprochés de la définition de ce rendement maximal durable (RMD) prônée par les eurodéputés, ils ont réaffirmé qu’il fallait tenir cet objectif seulement « là où c’est possible ». Les totaux admissibles de captures (TAC) et quotas, qui limitent les quantités de poissons pouvant être pêchées selon les espèces et les zones, devront toutefois tenir compte de ces objectifs de RMD.
Malgré certains « progrès », l’accord des Etats est « insuffisant pour restaurer les stocks de poissons » surexploités, a estimé l’ONG Oceana, regrettant que les gouvernements ne se soient pas engagés sur un calendrier précis.
L’UE est la troisième puissance de pêche mondiale derrière la Chine et le Pérou, mais ses ressources halieutiques déclinent: 47% des stocks de poissons en Atlantique et 80% en Méditerranée sont affectés par la surpêche.
Le WWF a calculé que « la reconstitution des stocks pourrait prendre plus de 100 ans en vertu des propositions des ministres européens de la Pêche, alors qu’elle pourrait se faire en 10 ans pour 75% des stocks selon la position du Parlement ».
Simon Coveney, qui coordonne les discussions, devait se rendre dès mercredi au Parlement pour tenter de trouver un compromis.
« J’espère que nous sommes à la veille d’un accord définitif concernant la réforme de la Politique commune de la pêche », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. « Il s’agira d’une réforme fondamentale dans la façon dont nous pêchons », a-t-il ajouté.
Comme la France, la présidence irlandaise a souhaité que cette réforme soit « applicable et pratique pour l’industrie de la pêche ».
« Quand les ministres évoquent des solutions concrètes et pratiques, cela veut souvent dire qu’ils se contentent d’un faible niveau d’ambition », a déploré Greenpeace.
La Commission européenne a de son côté salué l’attitude constructive des Etats. « Aujourd’hui, le Conseil a fait un pas en avant. Il a véritablement essayé de se rapprocher du Parlement afin d’essayer de dégager une base commune et je crois qu’un accord est possible », s’est réjouie le commissaire européenne en charge du dossier, Maria Damanaki.