Les magistrats ont estimé que la plupart des faits étaient prescrits dans ce dossier remontant à près de 20 ans (janvier 2005 à septembre 2009).
« C’est une décision courageuse du tribunal », a salué Me Benjamin Bellec-Pennec, dont le client Michel R. avait reconnu à l’audience avoir obtenu des « contreparties », après avoir « favorisé » le promoteur.
Le ministère public avait requis des peines de 18 à 24 mois de prison avec sursis, assorties d’amendes allant de 62.000 à 146.000 euros à l’encontre des prévenus.
« Ce n’est pas une affaire ordinaire (…) C’étaient des agents du service public payés avec nos impôts: leur mission était de servir, pas de se servir », a tancé le représentant du parquet Gabriel Rollin, jeudi dans son réquisitoire.
Or, ces deux fonctionnaires « se sont servis: ils se sont servis de leurs fonctions pour servir leurs intérêts personnels », a ajouté le magistrat.
Poursuivis pour corruption passive, les deux fonctionnaires, Michel V., 62 ans, et Michel R., 70 ans, se sont succédé à la tête du Bureau Régional Interarmées du Logement Militaire (Brilom) de Brest, au début des années 2000.
Les faits qui leur étaient reprochés portaient sur la construction d’une centaine de logements pour des marins-pompiers et la gendarmerie maritime, à Crozon, Plouzané (Finistère) et à Lège-Cap Ferret (Gironde).
A trois reprises, le Brilom avait alors fait appel à Alain H., 64 ans, promoteur brestois spécialisé dans les programmes de défiscalisation immobilière.
Ce dernier construisait les logements correspondant aux besoins de la Marine nationale puis les vendait à des investisseurs qui s’engageaient, par une clause spécifique, à les louer aux militaires pendant 20 ans.
Présentant des malfaçons multiples, mal entretenus, de nombreux logements de militaires se sont retrouvés vacants peu de temps après leur construction, sans que la Marine nationale ne résilie les baux immédiatement.
Ces programmes immobiliers étaient en outre attribués sans mise en concurrence ou avec « un simulacre de mise en concurrence », un véritable « jackpot » pour le promoteur, a souligné le procureur.
En échange, les fonctionnaires ont acquis des appartements auprès d’Alain H., avec des rabais de 36.000 à 42.000 euros, a-t-il pointé, un point vivement contesté par la défense.
Michel R. avait néanmoins reconnu à la barre avoir obtenu, grâce au promoteur, une ristourne de 10.000 euros sur la construction d’une maison à Plouguerneau, sur la côte nord du Finistère.
Me Camille Bellein, avocate de l’agent judiciaire de l’État, a dénoncé le « discrédit jeté sur la fonction publique toute entière » du fait du comportement des prévenus.
Les avocats de la défense ont eux plaidé la relaxe, générale ou partielle, de leurs clients.
Me Bruno Lamballe, avocat de Michel V., a soulevé la question de la prescription mais aussi le « délai excessif » de la procédure, contraire, selon lui, aux prescriptions de la Cour européenne des droits de l’Homme.