RETOUR SUR – SeaFrance: un an après sa mort, la bataille entre armateurs s’est renforcée

« Ne m’appelez plus jamais SeaFrance », entonnent des salariés dépités, lorsqu’il y a un an, le tribunal de commerce de Paris prononce la liquidation définitive de cette filiale de la SNCF.

Le sort des 880 ex-SeaFrance devient un enjeu électoral à quelques mois de la présidentielle et le vide laissé sur la liaison reine dans le détroit du Pas-de-Calais, où seule subsiste la britannique P&O Ferries, attise les convoitises.

Celle de l’opérateur du tunnel sous la Manche Eurotunnel qui soutient le projet de reprise par une coopérative ouvrière (Scop) composée d’anciens salariés. Celle aussi de Louis Dreyfus Armateurs (LDA) qui, associé au danois DFDS, affrète deux de ses navires entre Calais et Douvres avec quelque 200 ex-SeaFrance tout en se portant candidat à la reprise des ferries de l’ancienne compagnie.

« La chute de SeaFrance a créé un appel d’air. Calais fait partie des ports stratégiques, surtout quand vous êtes déjà présents comme nous à Dunkerque », justifie Christophe Santoni, directeur général de LD Lines.

Premier port français pour les voyageurs, Calais a transporté en 2011 plus de 10 millions de passagers, en légère baisse (-1,64%) par rapport à l’année précédente. Le trafic fret était quant à lui en progression de 1,82% sur le port de Calais, malgré l’arrêt des ferries SeaFrance mi-novembre.

Pendant que les armateurs se disputent les cendres de SeaFrance, les déboires judiciaires de ses ex-salariés se poursuivent. Treize sont mis en examen – cinq en mars, huit début juin – pour des vols présumés à bord des bateaux entre 2008 et 2009.

Début juillet, les locaux du comité d’entreprise (CE) sont perquisitionnés dans le cadre d’une information judiciaire distincte, ouverte par le parquet de Lille pour « abus de confiance, complicité et recel d’abus de confiance ».

Ces péripéties n’empêchent pas l’attribution – après maints reports – des navires à Eurotunnel le 11 juin. Ce jour-là, à Calais, c’est une délivrance, voire une vengeance pour le Syndicat Maritime Nord, désavoué par François Chérèque puis radié de la CFDT.

« On a gagné (…). On prouve qu’on n’est pas des flibustiers, des voleurs », s’exclamait ainsi un ex-SeaFrance, Daniel Fournier.

Un nouveau départ

« Je n’ai pas envie de revenir sur le passé, mais de regarder vers l’avenir. My ferry link est une nouvelle compagnie, on a changé de nom, on travaille différemment », souligne Raphaël Doutrebente, son directeur général adjoint.

Près de 500 salariés sont embauchés, en majorité parmi les anciens de SeaFrance, par My ferry link, qui vise « 12 à 14% » de parts de marché pour le fret et « 8 à 10% » pour l’activité passagers.

« J’ai tourné la page SeaFrance le jour où j’ai été licenciée », raconte une ex-salariés non syndiquée, embauchée par LD/DFDS. « Aujourd’hui, My ferry link et P&O sont deux concurrents de ma société. L’avenir nous dira qui a eu raison, qui a eu tort. (…) J’ai du mal à croire qu’une Scop de si grande envergure puisse exister », témoigne-t-elle anonymement.

« On a démarré (le 20 août) avec une voiture passagers et deux camions. On a dépassé les 100.000 passagers avant Noël et on arrive à quasiment la même part de marché que notre concurrent DFDS, à un point exactement, mi-décembre. C’est un bon départ, malgré une saison ratée et un démarrage difficile », affirme M. Doutrebente.

Dans ce marché très concurrentiel, « notre priorité est de nous concentrer sur notre projet industriel, être un leader sur le marché transmanche », qui « reste à des niveaux très bas » depuis « la crise de l’industrie du ferry » amorcée en 2008, souligne Christophe Santoni.

P&O Ferries, qui exploite six navires sous pavillon britannique entre Calais et Douvres, sera « en positif en 2012 sur tous les secteurs de marché, même depuis l’implantation de My ferry link », assure Karine Warnault, directrice de la communication France.

« La bataille va être difficile » entre ces trois compagnies qui vont devoir affronter notamment de nouvelles réglementations environnementales et procéder à des investissements lourds, avertit Anne Gallais Bouchet, chargée d’études à l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar).

« La fin de SeaFrance était avant tout due à des difficultés structurelles et conjoncturelles. Ca s’augure mieux pour My ferry link: elle n’est pas propriétaire des navires (…), ses salariés sont aussi actionnaires, la motivation est différente (…). Sa politique commerciale est plus rationnelle », estime-t-elle.

GROUPE EUROTUNNEL

DFDS

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