« Il est grand temps d’aboutir à un résultat », a pourtant déclaré la nouvelle directrice de l’Organisation mondiale du commerce Ngozi Okonjo-Iweala, à l’ouverture de la réunion qui s’est tenue en ligne en raison de la pandémie.
Diplomates, experts, société civile, tous s’accordent à dire que l’urgence est réelle: un tiers des stocks de poissons commerciaux étaient pêchés en 2017 à des niveaux biologiquement non viables, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Les négociations visant à interdire les subventions favorisant la surpêche ont commencé il y a 20 ans, sans jamais aboutir à l’OMC, où les décisions sont prises par consensus. Les membres de l’OMC n’avaient ainsi pas réussi à conclure un accord fin 2020, date butoir fixée par l’ONU, en raison aussi de la crise sanitaire qui avait ralenti le rythme des discussions l’an dernier.
Mais la nouvelle cheffe du gendarme du commerce mondiale a fait de ce dossier une de ses priorités et souhaite un accord avant la grande Conférence ministérielle qui aura lieu pendant la semaine du 29 novembre à Genève.
« Les pratiques de pêche non durables continuent de faire des ravages dans nos océans, encouragées par le soutien financier des gouvernements que nous cherchons à réguler », a-t-elle averti jeudi.
Un compromis n’était toutefois pas attendu au terme de la réunion des ministres, qui devait leur permettre,de faire le point sur la base d’un texte proposé par le Colombien Santiago Wills, qui dirige les négociations sur ce sujet épineux.
Pour Alice Tipping, du bureau genevois du think tank canadien Institut international du développement durable (IISD), « il n’y a jamais eu autant d’attention politique sur le sujet, d’engagement de la société civile, et d’attention politique de la part d’un directeur général » sur le sujet.
– Armada de pêche chinoise –
Les discussions à l’OMC visent à interdire les subventions à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (dite INN), celles concernant les stocks surexploités et celles contribuant à la surcapacité et à la surpêche. Dans les deux derniers cas, le texte prévoit que les aides soient autorisées lorsqu’elles encouragent la reconstitution des stocks de poissons à des niveaux biologiquement durables. Une proposition qui hérissent certains pays défavorisés.
Les modalités du traitement des pays en développement constituent la principale pierre d’achoppement des discussions. Les pays développés jugent plutôt d’un bon oeil que les pays les plus pauvres puissent bénéficier de flexibilités, mais ils souhaitent que les pays en développement qui possèdent de véritables armadas de pêche, comme la Chine, ne jouissent d’aucun régime d’exception.
D’autant qu’à l’OMC, ce sont les pays qui s’autodéclarent « pays en développement ».
Interrogé à ce sujet, un porte-parole de l’OMC, Keith Rockwell, a indiqué en conférence de presse que la Chine avait affirmé durant la réunion « qu’elle s’acquittera de ses obligations à la mesure de son niveau de développement. »
Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a lui rejeté pendant la réunion l’idée d’une exemption générale accordée à tous les pays en développement, et plaidé en faveur d’une « liste » négociée de pays. Il a également indiqué que l’UE demande que toute « flexibilité » accordée à la pêche artisanale, dite de subsistance, ne soit pas accordée « au-delà des eaux territoriales ou des 12 miles marins ».
La représentante américaine au Commerce (USTR), Katherine Tai, a également balayé l’idée que certains pays soient exemptés de façon « permanente » des règles d’un éventuel accord, comme le voudraient certains pays en développement.
Soulignant que le texte présente encore d' »importantes lacunes », elle a indiqué qu’il ne contient pas encore tous les éléments nécessaires pour aboutir à un accord « significatif », y compris la proposition américaine d’inclure le travail forcé sur les navires de pêche.
La portée de l’accord est également source de discorde: s’il semble y avoir un consensus pour exclure l’aquaculture et la pêche continentale du champ d’application, certains pays en développement demandent que les aides aux carburants, dont les exonérations fiscales, soient incluses. Ce que l’UE refuse.