Sénégal: un nouvel accord de pêche avec l’Europe suscite la polémique

Le nouvel accord, conclu le 25 avril, autorise 38 navires européens – espagnols et français notamment – à pêcher dans les eaux sénégalaises 14.000 tonnes de thon par an, pendant cinq ans, contre une compensation de 15 millions d’euros. Deux navires sont autorisés à pêcher le merlu.

Le thon, une espère de haute mer, et le merlu, une espèce des profondeurs, ne sont généralement pas pêchés par les pêcheurs artisans sénégalais qui ne s’aventurent pas vers le grand large.

Dakar va en outre bénéficier de 50 millions d’euros pour financer la recherche, la surveillance côtière, un fonds d’aide pour les pêcheurs artisanaux victimes de calamités et la restauration des écosystèmes dégradés des espèces juvéniles.

« Je n’ai fait que régulariser des accords secrets entre (des responsables de) l’Etat du Sénégal et des armateurs privés (européens), reconduits depuis 2006 et qui ne rapportaient rien au Sénégal », déclare à l’AFP le ministre sénégalais de la Pêche, Haïdar El Ali.

A la tête de son association, l’Océanium, M. El Ali est un écologiste réputé et respecté pour sa défense de l’environnement marin.

Se défendant de tout bradage des ressources halieutiques, il affirme que cet accord a été conclu « pour aider la pêche artisanale » et pour faire fonctionner l’industrie thonière sénégalaise grâce aux débarquements des navires européens.

« Où était Greenpeace quand on pêchait 15.000 tonnes et qu’on ne payait rien à l’Etat du Sénégal? », s’insurge le ministre sénégalais face aux critiques de cette organisation qui demande au gouvernement « de reconsidérer les termes du nouvel accord ».

« Le plus inquiétant, c’est l’inclusion de deux chalutiers de fond pour le merlu alors qu’un gel de l’effort de pêche avait été recommandé » par l’Etat sénégalais en juin 2013, indique Marie Suzanne Traoré, une responsable de l’ONG écologiste.

– Les pêcheurs artisanaux « ignorés » –

Dakar « a décidé d’ignorer la voix des pêcheurs artisans sénégalais qui dans des déclarations publiques avaient » posé des conditions, dont leur participation aux négociations de tout nouvel accord sur la pêche, poursuit Greenpeace

« Comment peut-on régulariser un acte illégal », s’interroge Gaoussou Guèye, un responsable de la pêche artisanale qui dénonce « un manque de transparence ».

« On dégage des priorités pour la pêche artisanale sans qu’elle ne participe » aux négociations, affirme-t-il à l’AFP.

Le Groupement des armateurs et des industriels de la pêche industrielle au Sénégal (Gaipes), une des principales organisations du secteur, a fait part de « sa stupeur et son indignation tant sur le processus de signature que sur le contenu » de l’accord.

« La preuve est faite de l’amateurisme, l’activisme et l’ignorance des réalités économiques qui ont conduit à la signature d’un accord aussi catastrophique pour le Sénégal », selon le Gaipes.

L’UE défend pour sa part « un partenariat stratégique » visant à « réglementer » l’activité des navires européens au Sénégal « en limitant » leur « accès à des espèces pour lesquelles existe un surplus disponible et non exploité ».

En outre, pour l’UE, ce partenariat « permettra notamment de renforcer les capacités du Sénégal pour le contrôle et la lutte contre la pêche illégale » et « d’appuyer la pêche artisanale ».

La pêche est un secteur essentiel de l’économie sénégalaise. Selon les chiffres officiels, elle a contribué en 2011 pour près de 12,5% aux recettes d’exportation. Elle occupe 17% de la population active, soit près de 600.000 personnes.

Plusieurs espèces sont surexploitées et menacées d’extinction au Sénégal, en particulier à cause du pillage de ses eaux par des navires étrangers, selon les professionnels et les écologistes.

Le président Macky Sall, élu en mars 2012, a annulé, après son arrivée au pouvoir, des autorisations de pêche accordées par son prédécesseur Abdoulaye Wade à une vingtaine de navires étrangers.

Les Infos Mer de M&O

« Ma mission est d’être au rendez-vous des attentes de Djibouti » (entretien avec Jérôme Bresson, ambassadeur de France à Djibouti)

Nommé ambassadeur de France à Djibouti en 2025, Jérôme Bresson expose pour Marine & Océans sa vision des liens politiques, militaires, économiques et...

Noël si loin du père Noël

Aujourd’hui, la population de McMurdo est de 867 personnes. Nous sommes 167 au Pôle Sud et ils sont 72 sur l’île de Palmer,...

Roomba

Nous sommes maintenant 149 à bord du USS Amundsen Scott. Une vingtaine sont encore à McMurdo ou en route. La « traverse »...

Jean-Marc Beynet, la peinture et la mer comme espaces de liberté

Jean-Marc Beynet est un peintre amateur doté d'un sacré coup de pinceau mais aussi, surtout, d'un sacré talent. Ses toiles, réalisées lors de...

« Les marins partagent bien plus qu’un métier, ils partagent une fraternité » (par Philippe Gall)

Implantée à Dieppe, Coq Marée perpétue la tradition de la pêche artisanale normande. L’entreprise réunit sous une même bannière la pêche, la valorisation...

« Quand la régulation hésite, la technologie continue d’avancer. » (entretien avec Philippe Berterottière – GTT)

Philippe Berterottière, Président-Directeur général de GTT est également Président, depuis trois ans, du Comité stratégique de la filière des industries de la mer....

Plus de lecture

M&O 289 - Décembre 2025

Colloque Souveraine Tech du 12 sept 2025

Alors qu'il était Premier Consul, Napoléon Bonaparte déclara le 4 mai 1802 au Conseil d'État, "L’armée, c’est la nation". Comment ce propos résonne t-il à un moment de notre histoire où nous semblons comprendre à nouveau combien la nation constitue et représente un bien à défendre intelligemment ? Par ailleurs, si la technologie est le discours moral sur le recours aux outils et moyens, au service de qui ou de quoi devons-nous aujourd'hui les placer à cette fin, en de tels temps incertains ? Cette journée face à la mer sous le regard de Vauban sera divisée en tables rondes et allocutions toniques.

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.