« The show must go on »: Calais entre regrets et soulagement après le Brexit

Peu après 10H00, le premier ferry venu de Douvres soumis aux nouvelles modalités douanières a accosté au port de Calais: le « Pride of Kent », de la compagnie P&O Ferries, a déversé 36 camions, dont trois orientés pour des contrôles supplémentaires, les autres étant autorisés à poursuivre leur route.

« Les outils informatiques ont parfaitement fonctionné », s’est réjoui Jean Michel Thillier, directeur interrégional des Douanes. « Ce sont trois ans de travail qui voient leur concrétisation » avec « un système informatique complètement nouveau », et « de gros aménagements en termes d’infrastructures ».

« On s’y prépare depuis trois ans », a fait écho le président du port, Jean-Marc Puissesseau, tout en notant que « l’atmosphère sentimentale a un peu changé ».

« Nous étions tellement habitués à aller (en Angleterre) comme en prenant le métro, avec une carte d’identité ». Mais si le Royaume-Uni redevient « un pays étranger, un pays tiers », « nous avons quand même une grande amitié avec eux », a-t-il souligné, avant de lancer, en anglais: « That is life ! The show must go on ! »

– Feu vert ou orange –

« Aucun problème » non plus sur le site du tunnel sous la Manche, où 400 camions sont passés entre minuit et 14H, selon le groupe exploitant Getlink. Tous « avaient bien rempli les formalités ».

Sur l’autre rive, au pied des falaises blanches de Douvres, le ballet des ferries s’opérait également sans accrocs.

Mais la paperasse qui s’annonce s’apparente à un « casse-tête », regrette Matt Smith, à la tête d’une entreprise britannique de transport de produits frais, HSF Logistics.

Les entreprises doivent désormais se soumettre à des formalités dans les deux sens, et déclarer aux douanes françaises leurs marchandises, en amont sur internet, via le système informatique baptisé « frontière intelligente ».

Sur la base de ces déclarations et d’une analyse de risques pendant la traversée, les transporteurs se voient décerner un feu vert pour continuer leur route, ou un feu orange pour se mettre en conformité.

Le trafic transmanche avait battu des records à la mi-décembre, avec des embouteillages à perte de vue, les entreprises constituant des stocks en anticipation du Brexit. Les responsables espèrent du coup un mois de janvier plus calme, bienvenu pour roder les nouveaux mécanismes douaniers en grandeur nature.

« C’est un jour difficile pour l’Europe » avec le départ du Royaume-Uni, « mais grâce aux préparatifs (…) nous sommes au rendez-vous, nous sommes prêts et les choses se passent bien, le mieux possible », a synthétisé le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune, venu faire le point avec le ministre aux Comptes publics, Olivier Dussopt.

Côté français, les nouvelles formalités sont entrées en vigueur dès minuit, inaugurées sur le « pit stop » – point de contrôle des camions en partance pour le Royaume-Uni – par un poids lourd venant de Roumanie, transportant courrier et colis.

– « Tristes » –

« Je suis très heureux, c’est un privilège pour moi », a déclaré son chauffeur, Toma Moise, 62 ans, avant que la maire de Calais, Natacha Bouchart, n’autorise symboliquement son départ.

Si elle y a vu un « moment historique », elle a regretté « 48 ans de retour en arrière avec des conséquences pour lesquelles nous n’avons pas encore tous les contours ».

Voisine maritime de Douvres, Calais, qui a connu plus de deux siècles d’occupation anglaise, vit depuis quatre ans au rythme du Brexit. En moyenne, 60.000 passagers et 12.000 camions transitent quotidiennement par son littoral, 70% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE.

Propriétaires depuis les années 60 d’une résidence secondaire près de la ville, Mike Pollart, ancien expert comptable de 79 ans à la double nationalité et son épouse britannique Christine se disent eux « tristes » de la rupture, craignant « beaucoup de regrets quand les conséquences économiques commenceront à se faire sentir ».

Conseiller municipal dans son village d’adoption en France, Mike s’attend même « à une demande de réintégration et un retour à l’Europe d’ici quelques années ».

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