L’UE avait déjà décidé fin novembre d’intégrer progressivement, d’ici 2027, le transport maritime à son marché carbone, afin d’obliger les navires de plus de 5.000 tonnes à acheter des « droits à polluer » correspondant à leurs émissions pour les inciter à se verdir.
Le texte approuvé jeudi par les Vingt-Sept et le Parlement européen définit désormais les modalités de la décarbonation du secteur maritime, responsable de 3% des émissions mondiales.
Il fixe des objectifs pour réduire l’intensité en gaz à effet de serre des carburants maritimes: les émissions des plus gros navires devront être réduites de 2% en 2025 par rapport à 2020, puis de 14,5% en 2035 et 31% en 2040.
L’exigence s’appliquera aux navires d’au moins 5.000 tonnes, qui fonctionnent essentiellement au fioul lourd et sont responsables de 90% des émissions de CO2 du secteur. La possible inclusion des navires plus petits sera cependant étudiée « d’ici 2028 ».
Seuls les trajets dans l’UE seront entièrement inclus: les voyages en provenance et à destination de pays tiers (ou régions ultrapériphériques de l’UE) seront comptabilisés à 50%, une façon de limiter les « fuites de carbone » hors d’Europe.
Pour concrétiser ces objectifs, la part des « carburants renouvelables d’origine non-biologique » (RFNBO, carburants synthétiques durables comme l’hydrogène vert) devra s’élever à 2% à partir de 2024 –une disposition qui alarme les armateurs, inquiets de leur disponibilité encore très limitée.
Les armateurs y recourant pourront bénéficier jusqu’en 2035 de crédits supplémentaires pour compenser leurs émissions.
Enfin, le texte oblige, à partir de 2030, les porte-conteneurs et navires de croisière à utiliser l’alimentation électrique à terre lorsqu’ils sont à quai « dans les principaux ports » de l’UE, pour limiter la pollution atmosphérique – obligation étendue après 2035 à tous les ports européens, s’ils sont équipés.
« C’est une véritable révolution (…) Nous garantissons des règles prévisibles à long terme pour faciliter l’investissement » des compagnies et des ports, a souligné l’eurodéputé (PPE, droite) Jörgen Warborn, rapporteur du texte, notant que les règles « obligeront les autres régions (du monde) à agir ».
L’eurodéputé (Renew, libéraux) Pierre Karleskind se réjouissait, lui, de la reconnaissance de la propulsion à voile « comme technologie efficace pour décarboner », l’installation de voiles étant désormais récompensée dans le calcul de l’intensité carbone d’un navire.
L’ONG environnementale Transport&Environment a salué « le début de la fin pour les navires sales au mazout », tout en déplorant « des lacunes du texte pouvant laisser perdurer l’usage de biocarburants ou carburants bas-carbone » dommageables au climat.