« C’est une superposition de trois technologies, navale, routière et aéronautique », explique son concepteur Guirec Daniel, ingénieur de formation.
Un vrai rêve de gamin, ce bateau: s’installer au volant, prendre la route jusqu’à la grève où, sans bouger de son siège, on se laisse glisser dans la mer ou le lac pour une balade ou une partie de pêche. « Il suffit juste de troquer sa ceinture de sécurité, obligatoire sur route, pour la brassière de sauvetage », se réjouit Serge Daude, l’un des premiers acquéreurs de Tringa.
« Je l’ai acheté pour le confort d’utilisation, son côté pratique (…) c’est vraiment une conception révolutionnaire », assure-t-il. « C’est tellement simple qu’on peut sortir même si on le décide à la dernière minute ».
Pour circuler sur route à la vitesse maximum de 16 km/h, Tringa, baptisé du nom d’un oiseau marin, s’est doté de clignotants, de phares et de feux arrière, d’une pare-brise en verre feuilleté et, bien sûr, des ceintures de sécurité.
Sur route, « il se conduit exactement comme une voiture. Il est très maniable, il a un rayon de braquage très court et il passe partout », constate Serge Daude. On l’a même vu arpenter le centre historique de Lannion avec ses maisons à pans de bois.
Sur l’eau, rien ne le différencie d’un navire conventionnel. Comme le train d’atterrissage d’un avion, les roues se rétractent dans leur caisson étanche et sa coque en aluminium fend la vague, propulsée par un puissant moteur.
« En mer, c’est un véritable hors-bord. Il a la pêche, (…) on atteint vite les 35 noeuds » -presque 70 km/h- avec son moteur de série de 150 chevaux, confirme Serge Daude. « Et, avec ses écrans tactiles, on passe de la fonction route à la fonction mer juste avec le doigt ».
Au repos, la coque se love sur le sable où les roues disparaissent presque car le bateau est équipé d’une suspension hydropneumatique, comme l’ont été pendant des années de célèbres berlines.
– Oublier les contraintes –
« L’idée, c’est de rendre la liberté de navigation à chacun », développe Guirec Daniel.
Car le parcours habituel peut rebuter les amateurs de navigation. « Des contraintes pour obtenir une place au ponton, des contraintes d’annexe ou de mise à l’eau sur des cales encombrées en été, la contrainte d’aller garer sa remorque Dieu sait où, puis d’aller la chercher au retour », énumère Jean Bocher, ancien officier de la marine marchande et président de l’association des plaisanciers du port de Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’Armor).
Les 1.030 anneaux (places de stationnement amarrées aux pontons, ndlr) de ce port en eau profonde, l’un des plus prisés de la côte nord de la Bretagne, très fréquenté par les Britanniques, sont occupés et la liste d’attente compte quelque 400 demandes, précise M. Bocher. La location à l’année d’un anneau, pour un embarcation de 6,50m, revient pourtant à 1.600 euros, une somme épargnée quand le bateau peut rentrer à la maison.
Sortir, « c’est tellement contraignant que ça finit par gâcher le plaisir et parfois même, par couper l’envie de sortir », fait valoir Guirec Daniel. « Avant, quand je parlais d’un bateau qui roule, les gens ne comprenaient pas ce que je racontais… Aujourd’hui, en le voyant, les gens ont une révélation car ça a du sens », sourit cet homme affable, lui-même plaisancier et enfant d’une famille de marins.
Il a fallu presque dix ans pour concrétiser le projet conçu en 2011. Dans l’atelier situé à Lannion, huit salariés assemblent chaque unité comme un puzzle avant une finition au goût du client. Pour l’essentiel, les composants sont fabriqués par une trentaine d’entreprises de la région qui, pour certaines, ont dû recruter et former pour s’adapter à cette nouvelle production, relève Guirec Daniel.
« De votre garage à la pleine mer sans bouger de votre siège de capitaine », vante la brochure publicitaire. Mais le rêve a un prix: 128.500 euros.