En Grande-Bretagne, un consortium d’investisseurs privés, Hafren Power, envisage la construction d’une usine similaire à celle de la Rance, mais 25 fois plus puissante, sur la Severn, dans le sud-ouest du royaume.
D’une longueur de 18 kilomètres, l’usine envisagée sur la Severn, avec 1.026 turbines, devrait produire 5% de la consommation électrique du Royaume-Uni. En comparaison, l’usine bretonne barre le fleuve côtier La Rance sur 750 mètres avec ses 24 turbines immergées et fournit 500.000 MW/h, soit l’équivalent de la consommation d’une ville de 240.000 habitants.
« Le seul précédent en Europe de ce type d’usine, c’est celle de la Rance » qui « représente donc un retour d’expérience majeur pour juger concrètement de l’impact environnemental d’un barrage sur un estuaire », a expliqué à l’AFP Jonathan White, président du Severn Rivers Trust (SRT), une organisation écologiste locale.
Après quelques recherches et interviews de responsables de collectivités en Bretagne, M. White, auteur d’un film de 16 minutes sur le barrage de la Rance, a partagé ses conclusions avec des organisations environnementales et des parlementaires britanniques. Selon lui, « il y a un impact extraordinaire en termes de sédimentation ».
Plusieurs groupes environnementaux britanniques se sont appuyés sur les conclusions concernant la Rance pour plaider l’abandon du projet de la Severn.
Et en juin, une commission parlementaire britannique sur l’Energie et le Climat a conclu que le projet de la Severn ne donne pas suffisamment d’informations sur « les conséquences économiques et environnementales » de la construction d’un barrage, selon un porte-parole du ministère britannique de l’Energie, contacté par l’AFP.
Envasement
De son côté, EDF réfute toute minimisation de l’impact sur l’environnement. « Ce n’est pas un estuaire qui présente une sédimentation plus importante que d’autres estuaires voisins », a indiqué à l’AFP une porte-parole de l’énergéticien français, avant d’ajouter: « l’écosystème de la Rance est riche et a retrouvé un équilibre ».
« EDF a témoigné devant la commission parlementaire britannique et a donné une image très positive du bilan environnemental de ce barrage. Mais quand nous nous sommes rendus en Bretagne, nous en avons retiré une image très différente », a souligné Jonathan White. Le gouvernement britannique doit se prononcer dans les prochaines semaines sur le projet de la Severn.
En Bretagne, les associations, qui ne remettent pas en cause l’usine de la Rance, dénoncent de longue date ses effets environnementaux.
Parmi ceux-ci, Henri Thébault, rapporteur de la commission associative Estuaire Rance, un organisme rassemblant des associations environnementales, relève « la disparition de plusieurs milliers d’hectares de pré-salés, avec leur éco-système, remplacés par une végétation terrestre, comme des chênes ». Il note aussi le développement de l’envasement, avec d’importants dépôts de sédiments qui ne sont plus évacués quotidiennement.
De plus, l’envasement remet en cause la navigabilité de l’estuaire, notamment entre Dinan et la mer.
Le barrage a été construit dans les années 1960, à une époque où l’environnement n’était pas une préoccupation pour la société. La convention de concession entre EDF et l’Etat, propriétaire du domaine maritime, a été signée en 1966 pour une durée de 75 ans.
Depuis, EDF « s’en tient à la convention qui ne lui impose aucune obligation environnementale », déplore M. Thébault.
« Techniquement, EDF avait les moyens d’éviter sans difficulté ces effets environnementaux négatifs. Mais ça lui aurait coûté de l’argent. Et comme la convention avec l’Etat ne l’y contraignait pas, elle ne l’a pas fait », assure M. Thébault.
Avec les pouvoirs publics et les collectivités, la commission Estuaire Rance travaille à la recherche d’un « bon niveau de compromis entre le fonctionnement de l’usine marémotrice et la protection de l’environnement », souligne M. Thébault. Mais « plus on attend, plus le coût des travaux sera élevé », relève-t-il.
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