Une sardine cousue-main 100% made in France

La Belle Iloise est née en 1932 quand d’Essaouira au Maroc à Douarnenez dans le Finistère, l’économie des ports de l’Atlantique s’est arrimée au poisson d’argent qui remplit les cales et les poches des marins. Elle est la dernière aujourd’hui, avec la confidentielle « Quiberonnaise », à perpétuer la tradition de la sardine emboitée exclusivement fraiche et à la main.

« C’est ce qui nous distingue des concurrents », résume Caroline Hilliet Le Branchu, petite-fille du fondateur Georges et PDG depuis janvier 2011.

Les boites métalliques ont gardé leur joli look désuet Belle époque, faussement naïf et vivement coloré, à la manière des affiches vantant les charmes de la Riviera d’avant-guerre. Mais comme du temps du grand-père, c’est toujours et d’abord le poisson qui commande.

La sardine se pêche toute l’année mais ici, on ne la travaille qu’à son optimum, entre la mi-mai/mi juin et le mois de novembre: question de matières grasses et de taille explique la patronne. Avant que le taux de gras ne commence à baisser et la saveur avec.

En saison, les chaînes tournent à plein.

Chaque soir, Caroline reçoit un sms de ses trois bateaux partenaires – Quiberon, Lorient, Douarnenez – qui prennent commande pour le lendemain. De son côté elle s’assure que les mains expertes seront au rendez-vous pour réceptionner et traiter la pêche du jour.

« La sardine qui arrive est étripée le jour même et emballée le lendemain », jure-t-elle. C’est le secret de la maison quand les concurrents travaillent « à 70% » avec du produit préalablement congelé.

« Le poisson arrive dans une saumure, il est étripé, lavé, séché et frit dans l’huile de tournesol. Puis on l’égoutte une douzaine d’heures à 12 degrés. Le lendemain il est emboité à la main et assaisonné: selon les années, on en range 4 à 8 tête-bêche par boite – cette année c’était 5 à 6: « du moule 28, idéal » note l’experte.

Le « moule » qualifie la taille – 28, c’est 28 sardines par kilo – qui varie d’une année l’autre, à la hausse comme à la baisse sans qu’on en comprenne le sens. La sardine garde les petits secrets de sa croissance en dents de scie.

Entretemps, l’étape de la cuisson est « la plus critique ». Chaque nouveau lot est goûté afin d’ajuster, si nécessaire, la température et la durée.

Il est arrivé certaines années de devoir chercher le poisson en Méditerranée près des côtes italiennes, ou au large du Portugal. Au pire à une nuit de camion. Mais il finit toujours par revenir en Bretagne.

« Les pêcheurs disent qu’ils tombent sur de véritables murs de sardines en Atlantique mais ne prennent que ce qu’ils peuvent vendre ». Bernard Hillier, qui fut le 2e patron de la Belle-Iloise avant de passer la main à sa fille, conserve son respect à ce monde marin où la poignée de main et la parole donnée tiennent lieu de contrat.

« La veille on a décidé des quantités: même si on a un problème sur nos chaines, on prend. Le pêcheur aussi respecte la parole donnée et n’ira pas ravitailler le concurrent ».

Depuis les « Etablissements Georges Hillier » du grand-père, les deux recettes ancestrales du fondateur et le design d’origine ont gardé leur place sur les rayonnages: sardines à l’huile d’olive (la Saint-Georges, rouge) ou d’arachide (la Belle-Iloise, jaune).

Mais dès les années 60, le fondateur avait diversifié son offre en ajoutant tomates, citrons de Menton, piments, ail ou olives. « Pour ne pas dépendre d’une seule espèce, on a ajouté le thon en 1985 et le maquereau dans les années 2000 », complète Bernard Hillier.

Cinq à six recettes complètent le catalogue chaque année, soupes ou tartinades: le lundi midi, c’est séance dégustation dans les ateliers.

De son père, mareyeur, qui créa sa conserverie à 22 ans, il a jalousement préservé l’héritage et surtout l’indépendance: Georges avait refusé les pressions de la grande distribution – jurant que s’il le fallait, il vendrait directement ses sardines sur les plages et refuse les actionnaires.

La Belle-Iloise – qui emploie jusqu’à 350 personnes en pleine saison – continue d’écouler ses sardines dans son propre réseau de boutiques en bord de mer (sauf une, ouverte le mois dernier à Paris) ou par correspondance.

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